Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/821

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en cinq jours d’In-Salah à Ouargla, après s’être porté à la rencontre, jusqu’à 270 kilomètres, d’une colonne revenant du Hoggar avec des montures exténuées.

Le général qui trouvait, dans cette expérience heureuse, un motif de foi dans l’emploi de l’automobile au Sahara, recourut immédiatement à un de ses procédés favoris : être à lui-même son agent d’exécution. Le 26 octobre 1917, il quittait Ouargla avec trois autos. Hélas ! il ne devait atteindre In-Salah qu’au bout de douze jours. Quel haro dans les rapports officiels qui proclamaient la faillite de l’automobile ! Quant au général, il ne prit pas les événements au tragique. « L’histoire est très simple : les chauffeurs ont voulu battre les records du capitaine Sigonney. » Cela n’empêcha pas à deux voitures de rentrer en cinq jours ! « Il y eut donc accident et non pas faillite. C’est comme si, après un déraillement, on parlait de la faillite des chemins de fer. »

Il ironise donc, mais il tire de son expérience des enseignements : le grand ennemi, c’est la distance, car il faut que les autos emportent avec elles « toutes les matières à leur usage ; » elles ne peuvent dépasser mille kilomètres ; et, au delà, il est impossible de constituer des dépôts. Mais un autre ennemi, c’est la grosse chaleur qui fond les têtes de bielle, provoque de nombreux éclatements de pneus, et échauffe le moteur. On peut, du reste, y remédier. Etudions les remèdes, car « il faut cependant aboutir. » Aboutir, pour faire la nique aux grands maîtres de l’automobile qui envoient au Sahara des voitures lourdes avec chaînes à palettes, et des tracteurs à chenilles, objets d’admiration à Fontainebleau et à Alger, objets de destruction des petits ouvrages d’art et de détérioration complète des pistes sahariennes ; aboutir, contre Alger, qui, entêté, n’envoie plus rien ; aboutir, pour ménager le cheptel camelin et « faire croire aux indigènes que nous pouvons nous passer d’eux. »

Le général Laperrine agit donc par ses propres moyens. Il constitue deux demi-sections de treize voitures. Mais les pièces de rechange manquent, et l’entreprise avorte partiellement, le général l’avoue. « Mais les indigènes s’émurent, se rendirent compte des dangers de cette concurrence, et demandèrent à faire des convois libres jusqu’à In-Salah. » Ils avaient compris que le ravitaillement du secteur Inifel-In-Salah, prévu par le général pour 1918-1919 par traction mécanique, allait leur échapper.