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juge que toute résistance serait brisée. Les troupes atteignent Djanet. Toute la région est pacifiée ; les Kel-Djanet et les Iadhanaren se sont soumis, et les conditions qu’on leur a imposées sont si douces, une amende en nature et le paiement de trois années d’impôts en retard, qu’on peut espérer qu’ils se rallieront sincèrement : on les traite en enfants prodigues qui reviennent à la maison paternelle. Mais hélas ! il est impossible de rester à Djanet : la colonne est à bout de vivres ; les transports manquent presque totalement pour la ravitailler.

Le capitaine Depommier revient donc sur ses pas, confiant à Moussa le soin de surveiller la région aussi longtemps qu’il le pourra. Il a laissé à Djanet un méhariste de la tribu des Iadhanaren qui est censé en permission dans son pays d’origine. Le méhariste observe. Moins de trois mois après, le 23 janvier 1919, il arrive à Fort-Motylinski où il informe son chef que les Kel Djanet ont été mis à l’amende par les grands chefs azgueurs parce qu’ils se sont soumis : il croit que les Azgueurs préparent une attaque. Moussa devra redoubler de vigilance et de vigueur.

Ces nouvelles n’alarment point le général Laperrine ni ne le troublent. Quand il sera sur place, il interviendra personnellement ; ailleurs, ses officiers, son bras droit, ne trahiront point la tête ; le cas échéant, il leur renouvellera ses instructions. Ainsi, apprend-il que Boubekheur ag Allegoui a osé adresser à un de nos chefs de colonne une lettre insolente dans laquelle il le somme d’évacuer l’Oued Tarat ? Il conseille la patience, il cherche les excuses possibles. Ce caïd chauve-souris « ne sait pas lire l’arabe, et il est à la merci de son Khodja arabe. » Il faudra scruter ses véritables intentions avant de sévir. Lui affirme-t-on que Brahim ag Abakada n’est qu’un tartufe et que ses réticences et ses tergiversations doivent être châtiées ? Il invite le chef d’annexé d’In-Salah à user de modération ; quand on aura acquis la certitude que Brahim se joue de nous, on recourra à une offensive irrésistible. Le général a raison : après d’âpres discussions, Brahim acceptera les conditions de l’aman dans la première semaine d’avril 1919. Mais c’est le général lui-même qui mettra la dernière main à l’œuvre de ralliement de Brahim ; les 24 et 25 mai 1919, à Fort-Polignac, il tient des palabres avec Brahim et avec des chefs de fractions Imrads du Tassili, de ce Tassili qu’il a traversé sans être inquiété ; à tous, il laisse leur bande et leurs armes, parce qu’il a l’intuition que, eux aussi, sa