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30 décembre 1904.

Qu’elle entre et passe dans votre maison d’un pied léger, cher ami, qu’elle y maintienne paix et santé, la visiteuse masquée dont les mains vont toucher notre épaule pour l’incliner un peu plus ! Puissent mes souhaits conjurer l’hostilité énigmatique qu’on croit toujours apercevoir dans le premier sourire de ces passantes !


30 décembre 1905.

Mon cher ami,

Trouvez ici, pour Mme de Pontmartin et pour vous, les souhaits de l’an nouveau. Celui que je me fais est de repasser, en 1906, le seuil des Angles. Puisse le Tempus edax vous oublier tous les deux dans le paisible abri sous la montagne. Il est au moins une chose sur laquelle ce rongeur ne peut pas mordre : la vieille amitié qui ramène à cette heure, vers votre toit, ma pensée et mes vœux.


6 février 1906.

Eh quoi ! cher ami, vous croyez encore aux choses imprimées dans les journaux !... La vérité est que seul le jeune Pierre [1] s’est battu comme un lion, lui et une poignée de ses camarades du Lycée Louis-le-Grand, paroissiens d’aventure [2]. Ces gamins ont tenu tête deux heures à la troupe ; d’abord derrière les grilles, d’où ils enlevaient quatre fusils aux gardes républicains ; puis derrière leur barricade de chaises ; enfin dans le triforium d’où ils bombardaient la police avec les dernières chaises valides. Le lendemain ils recommençaient à Saint-Pierre du Gros-Caillou, avec mille exploits ingénieux, qui ont dû faire pâmer d’aise les mânes de Gavroche. La mentalité de ces lycéens est exactement celle de leur illustre ancêtre de la barricade de la rue de la Chanvrerie : même volupté divine dans l’action de « cogner sur les flics ; » même bravoure, même science innée de la barricade, même indifférence aux coups. — « Pas d’injures ! des coups ! » clamait Pierre dans la nef de Sainte-Clotilde en dirigeant sa garnison. Vous serez peut-être surpris d’apprendre ce que je constate chaque jour : les lycéens d’aujourd’hui (Henri IV,

  1. Pierre de Vogué, quatrième fils de l’écrivain, né le 21 janvier 1889, mort pour la France, le 28 avril 1918.
  2. Il s’agit des manifestations que provoqua la loi sur les inventaires des églises.