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livres au lieu de solliciter quelques bureaux de tabac ?...

Je voudrais vous savoir mieux portant et que vous me le disiez à un prochain arrêt en Avignon. Ce serait une vraie joie, mon cher ami, de vous serrer la main.


Combourg (Ille-et-Vilaine), 8 août 1898.

Mon cher ami,

Je me reprocherais de quitter ce lieu sans vous adresser un mot de souvenir. Tout ici me reporte à nos enthousiasmes de la vingtième année, et nul ne comprendrait comme vous ce que je ressens à Combourg. Après avoir présidé hier aux très belles et très touchantes cérémonies de Saint-Malo, — vous trouverez dans le Temps de dimanche les paroles dites au Grand-Bé [1], — je suis venu passer vingt-quatre heures chez Mme de Chateaubriand. Les restaurations matérielles n’ont pas fait fuir le genius loci ; le vent souffle comme de son temps dans la tour de l’Ouest, et surtout le triste horizon des bois n’a pas changé. La lune se lève encore ce soir sur il la cime indéterminée des forêts. » A l’intérieur, on a seulement divisé par une cloison la grande salle où la robe de ratine blanche du géniteur disparaissait dans les ténèbres. Il me semble que je me retrouve chez moi, tant chaque détail m’est familier. Ne savions-nous pas par cœur ces chapitres ? Voici le Mail et le grand étang. D’ailleurs, n’eussent-ils pas été touchés par la baguette du magicien, les murs et les tours de Combourg seraient la plus grandiose apparition du monde féodal que je connaisse.

Donnez de vos nouvelles. Je veux espérer que vos maux vous laissent du répit ; et trouvez ici la pensée fidèle

de Votre


15, rue Las Cases, 11 novembre 1899.

Mon cher ami,

Je ne veux pas passer à votre porte, allant, comme jadis, prendre la mer, sans vous jeter le cordial bonjour [2]. Je ne puis

  1. Discours prononcé au nom de l’Académie française pour le cinquantenaire des funérailles de Chateaubriand le 8 août 1898. Voyez le Rappel des ombres, 1 vol. in-18 ; A. Colin.
  2. L’écrivain se rendait en Egypte. Le 17 novembre 1899 il prononçait à l’inauguration du monument de Ferdinand de Lesseps à Port-Saïd un discours au nom de l’Académie française et de l’Académie des Sciences. Voyez Sous les Lauriers ; op. cit.