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subtile et impitoyable de soi-même, et la note est très consciencieuse, très vraie ; moi qui ai un peu approché Renan, je l’ai bien retrouvé là tel que je me l’étais fait sur pièces. Et la mort de Talleyrand, quel chef-d’œuvre dans un autre genre, comme la page s’accroche au clou de la mémoire ! une fausse note seulement, ce vilain bruit d’écus remués avec le nom de Dupauloup... Quant à Lanfrey, si je ne l’avais pas connu ambassadeur à Berne, je croirais du coup à la métempsycose. Vanité à part, je me retrouve dans cette âme, sinon dans cet esprit, comme dans un miroir. Je pense, hais et aime tout comme lui : j’y ai été d’un rouble, 50 kopeks pour les Lettres d’Everard, et en lisant, il me semble que j’écris, tant ma pensée court devant en suivant les idées et en finissant les phrases mot pour mot. Consolant, n’est-ce pas, quand on se dit, somme toute, que c’est là un livre mort ? Et l’homme est mort aussi, j’entends de la seconde mort, de la définitive, car les hommes qui écrivent meurent deux fois. Il lui reste pour toute postérité un vieil académicien qui se cache derrière le cadavre pour faire des niches à Gambetta, et l’admiration de deux vieilles dames.

Adieu et poignée de mains.


Au même


Saint-Pétersbourg, 7 octobre 1881.

Mon cher ami,

« Je prends une grande feuille de papier pour vous écrire, » comme écrivait Flaubert à Maxime. J’espère que voilà pour nous l’événement de la saison et j’imagine comme on a savouré aux Angles ces récits honnêtes, sincères, enflammés de l’amour des lettres et peignant au vif une belle âme de bon combattant [1]. Votre père a dû se délecter aux souvenirs de son temps : pour nous, c’est autre chose, quelque chose de plus attirant encore, la peinture du milieu où nous aurions dû vivre comme des poissons dans l’eau. Cet état d’âme littéraire, que dépeint si bien Du Camp, n’est-ce pas exactement l’état d’âme où nous avons passé notre première jeunesse ? Ne devriez-vous pas vous appeler Louis de Cormenin ? Que de retours j’ai faits sur nous en lisant ces récits qui m’ont vraiment possédé ! Et cet Ausone de Chancel

  1. Les Souvenirs littéraires de Maxime Du Camp qui paraissaient alors à la Revue.