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le 5 août, et je suis venu tomber à Vals comme un perdreau très poursuivi, qui se remise au plus lointain, au plus épais du fourré. J’ai amené cette fois toute ma tribu et il est probable que la plus grande partie des vacances se passera ici : je veux que les enfants s’initient aux souvenirs locaux, qu’ils se fassent le jarret et le poumon dans les montagnes, tandis que j’y referai un peu de substance grise, s’il est encore temps.

Vals est, à mon goût, la première de nos stations thermales par la beauté du site, la variété et l’intérêt des excursions dont elle est le centre ; la dernière à coup sûr pour le confort de la vie, si bien qu’une installation en famille y devient le plus ardu des problèmes. En ce moment surtout où toutes les hordes du Midi se sont abattues sur les sources, le petit bourg ne parvient pas à loger et à nourrir la foule grouillante, bruyante et alliacée qui l’envahit... Enfin, avec de la persévérance, il ne faut pas désespérer d’être un jour le Brougham de ce Cannes ou le Morny de ce Deauville, devenu un rendez-vous parisien.

En attendant, nous allons courir les volcans et les ruines. N’avez-vous point quelque prodrome de dyspepsie ? Je ne le maudirais qu’à moitié, s’il vous amenait ici. Même sans ce stimulant, vous seriez un fort honnête homme si vous faisiez un saut jusqu’au Theil et à Vogué où je serais si heureux d’aller vous prendre. Nous monterions au Mézenc, d’où on voit le Ventoux ; et, tandis que mes gamins s’exclameraient de joie, dans l’ivresse de leur première ascension, nous avalerions ensemble cette pilule toujours amère, le transport par le temps des joies et des impressions qui furent nôtres, sur cet autre sommet, à la nouvelle génération qui les retrouve ailleurs. A revoir, cher ami, si le cœur vous en dit, et cordiales poignées de main.


24 novembre 1892.

Mon cher ami,

Je vous remercie de m’avoir fait participer à ces suprêmes reliques ; il m’est doux d’y trouver encore un souvenir à mon adresse. Et vous avez répondu au vœu de beaucoup d’écrivains en faisant dresser la table générale de cette immense encyclopédie. Ce secours m’avait souvent manqué quand je voulais rafraîchir mon souvenir, vérifier une citation, puiser dans ce réservoir où j’ai tant acquis. Hélas ! s’il fallait une preuve décisive pour me faire constater la misérable usure de la mémoire,