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un témoignage de souvenir, avec mes remerciements pour le dernier volume de Samedis que la maison G. Lévy m’a fait parvenir. Je me suis tu longtemps parce que votre dernière lettre marquait un ressentiment que j’ai eu peine à comprendre. Hier, en rassemblant des articles littéraires qui vont composer un volume, j’ai relu cette étude sur votre père qui vous avait si fort déplu. Je l’ai relue à froid, après un long intervalle, en essayant de juger impartialement ce qu’il pouvait y avoir d’erreur dans ma première impression ; je n’y puis trouver qu’un témoignage d’affection pour l’homme, et, sur l’écrivain, une opinion que je devrais exprimer aujourd’hui encore sous peine de mentir à ma pensée. Néanmoins, j’ai écarté l’article du recueil que je prépare. Cela m’a un peu coûté : on veut bien me dire que j’avais été heureusement inspiré au point de vue littéraire et que je dois tenir particulièrement à cet article ; des amis fidèles de votre père, Delpit, Biré, n’y voyaient rien que de favorable pour sa mémoire. Peu importe. Puisque cet écrit vous froisse, il restera enseveli dans l’oubli du journal ; je ne le réimprimerai pas, c’est une affaire finie.

Je voudrais savoir que le temps passe sans peser trop lourdement sur les Angles, que vous êtes satisfait de votre santé et de celle de Mme de Pontmartin. Je ne sais rien de vous. Je n’ai rencontré depuis longtemps aucun de nos rares intermédiaires méridionaux ou Vivarois. Cependant j’ai passé l’été dernier deux semaines dans le Vivarais, mais au delà du Coiron, dans la région où notre monde de jadis finissait. Je suis allé boire les eaux de Vals, j’ai enfin vu tous ces sites gravés dans nos imaginations par les tailles-douces de l’Album, et que nous devions toujours parcourir ensemble. Ma pensée vous a bien souvent appelé à Vogué, à Thueyts, à Antraigues, au Pont d’Arc, au Mézenc où j’ai été déçu, car du sommet l’on ne voit pas Gourdan. Toute cette vallée de l’Ardèche est incomparable de pittoresque, d’enseignements historiques, de curiosités naturelles. Je me propose d’y retourner, d’y mener un peu plus tard mes enfants pour les intéresser à ces souvenirs de notre passé. J’en ai déjà trois demi-pensionnaires à Stanislas ; deux en sixième, un en huitième. Ce petit monde pousse en m’infligeant les tracas inévitables, mais jusqu’ici les grosses inquiétudes et les grands chagrins m’ont été épargnés ; de ce côté, je n’ai donc pas droit de me plaindre