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ma blessure, puissé-je n’en jamais recevoir de plus profonde !

Poignée de main cordiale.


6 mars 1889.

Mon cher ami,

... Depuis des semaines, qui arrivent à faire des mois, je suis brouillé avec la correspondance, d’abord pour cause de soucis domestiques, ensuite pour cause de soucis nisardiens [1]. Des premiers je suis enfin sorti : mes trois scarlatineux ont repris la clef des rues, faute de celle des champs dont ils auraient grand besoin après une longue réclusion. Un quatrième fils Aymon, qui répond au nom de Pierre, est arrivé sur ces entrefaites : la mère et l’enfant se portent suivant la formule, ils ont heureusement échappé à la contagion.

Libéré de ce côté, j’ai été rendu aux affres d’un discours qui devrait être fait et que mon directeur me demande, car la réception aura lieu très probablement le 16 mai, jour néfaste aux entreprises. Cette fois encore, l’opinion dont vous parlez aura raison, car on ne lutte pas avec M. Rousse, passé maître en ces sortes d’exercices. Du moins, si l’on risque d’être enfoncé, on ne craint pas d’être égratigné par ce très galant homme, ce lettré de pure race [2].

Je suis dans le feu de la composition, et avec Nisard c’est dans le froid qu’il faut dire. Aussi l’almanach et la pendule sont des reproches qui marchent sans cesse devant moi ; jusqu’à ce que je les aie apaisés, je ne puis que serrer la main en hâte aux amis, même aux plus vieux.


A Armand de Pontmartin


27 juin 1889.

Mon cher maître,

Je vous dois deux remerciements pour l’accolade amicale donnée dans la Gazette, et pour l’envoi de Péchés de vieillesse. Dans ce volume, je ne trouve à critiquer que le titre. Quand on travaille ainsi à votre âge, c’est Vertus de vieillesse qu’il faudrait mettre au frontispice de ses œuvres et dans le plein sens du mot, virtus. (Pas mal pour un malheureux qu’on accuse de conspuer le latin.) Quant à moi qui n’ai point l’excuse que vous

  1. L’auteur du Roman russe avait été élu par vingt-huit voix sur trente-deux votants au fauteuil de Désiré Nisard, le 22 novembre 1888.
  2. La réception eut lieu le 6 juin 1889.