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que, sauf quelques réserves, ils étaient au fond de mon avis. Nous avons marché, depuis ces beaux jours de notre jeunesse où nos journaux imprimaient « l’Italie » entre guillemets.

Pensez, mon cher ami, que me voici réduit à la condition de Robinson, — non pas le Crusoé, mais le Suisse, car je donne des leçons à trois gamins, — retranché de la société des hommes, et que toutes les nouvelles de France seront les très bien venues, surtout les vôtres. Souvenirs respectueux à votre père et cordiale poignée de main.


Paris, 19 septembre 1887.

Mon cher ami,

Je reviens de Russie avec tout mon petit monde en bonne santé. Voilà bien longtemps que je n’ai pas de vos nouvelles ; ne me les faites pas espérer, comme on dit chez vous. Avez-vous laissé vos maux dans les piscines de Cauterets ? Répondez vite, ou je croirai que vous avez disparu dans les profondeurs bleues du lac de Gaube.

Je trouve ici une épidémie sur les immortels. Je n’ai plus le droit de me dérober aux sollicitations de mes amis. Me voici donc candidat, — avec l’auteur du même [1], — et une bonne douzaine de co-postulants. A la grâce de Dieu !...

Je n’ai pas répondu en son temps, ne sachant pas votre adresse à Cauterets, à une critique qui me tenait à cœur comme toutes celles qui viennent de vous et qui portait à faux, hélas ! Vous m’accusiez d’être injuste pour le Saint-Père si bien disposé pour nous. Malheureusement, mon cher ami, je n’ai fait qu’indiquer discrètement et diplomatiquement un écueil que je savais trop réel. Je tenais de notre ambassadeur, et une lettre de l’abbé Winterer m’avait confirmé, que le concours de la Curie était acquis à l’action germanisatrice en Alsace-Lorraine. C’est en outre sous l’inspiration de notre ami le cardinal Czacky que j’ai écrit tout ce qui a trait aux rapports de Rome avec l’Allemagne. Tout ceci bien entre nous, n’est-ce pas, et pour me laver à vos yeux du reproche de légèreté. Si vous connaissiez l’esprit de Mgr Galimberti, son action à Vienne et son crédit au Vatican, vous trouveriez peut-être que je n’ai pas frappé assez fort.

  1. Jules Claretie.