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pour dédaigner les conseils de ceux mêmes qui veulent être nos amis, s’ils ne nous conviennent pas ! » Si tel est l’aveuglement des chefs, il n’y a rien à espérer, pour l’établissement de la paix, de la négociation actuellement ouverte.

Trois actes récents du Gouvernement des États-Unis ont eu, dans notre pays, un douloureux retentissement : l’avertissement aux Alliés, dans une forme inattendue et un peu aigre, d’avoir à se mettre en mesure de rembourser aux États-Unis, avec les délais nécessaires, l’argent avancé par eux pour le succès de la guerre, la réclamation inopinée de remboursement des frais d’occupation des troupes américaines sur le Rhin, enfin le retrait prochain de ces mêmes troupes, ne sont certes pas, en eux-mêmes, des actes dont nous soyons fondés à nous plaindre ; nous n’avons jamais renié nos dettes, encore qu’en France « l’homme de la rue » pense que c’est à l’Allemagne qu’il incombe de payer les dépenses que nous avons faites pour repousser son agression et la vaincre avec le concours de nos alliés, dans un commun et glorieux effort auquel les Américains se sont associés. Le remboursement des frais d’occupation n’a jamais été oublié par les Gouvernements alliés, mais, ici encore, le bon sens populaire estime que les Américains ayant, surtout pour des raisons de politique intérieure, refusé de ratifier le Traité de Versailles, négocié et signé par le plus haut personnage de l’Union, s’étant désintéressés de la reconstruction de l’Europe et désolidarisés d’avec leurs alliés de la veille, il leur appartient de régler eux-mêmes leurs affaires avec l’Allemagne. Les diplomates raisonnent autrement et ils ont raison ; mais le Français moyen, celui qui a supporté quatre ans de guerre et dont l’attitude a fait l’admiration du monde, est déçu et peiné de voir ses sentiments méconnus et sa conduite calomniée. Ce malentendu pénible vient en partie, nous ne l’ignorons pas, de certaines imprudences de la délégation française à Washington, exagérées et perfidement exploitées par tout ce que la France victorieuse compte par le monde d’ennemis ou d’envieux. à s’explique aussi, pour une bonne part, par des incidents de politique intérieure américaine, notamment par la délicate négociation parlementaire pour la ratification du « Traité du Pacifique. » Nous savons par exemple que si le Gouvernement des États-Unis a dû refuser de se faire représenter à Gênes, c’est que le sénateur Mac-Cormick et quelques-uns de ses collègues ont déclaré qu’ils ne voteraient pas le Traité, si M. Harding ne refusait pas nettement de participer à la Conférence et de s’intéresser aux affaires d’Europe. Le Sénat des