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jusqu’ici loyalement exécuté, leur assure un débouché commercial sur la mer Egée, à Dédéagalch ; ils ne peuvent guère espérer qu’un Gouvernement grec apportera quelque bonne volonté à leur donner la satisfaction à laquelle ils ont droit ; mais l’administration de la Société des Nations réaliserait plus volontiers et plus aisément la promesse souscrite par tous les signataires du Traite.

Le régime des minorités, tant dans les pays turcs que dans ceux qui pourraient rester grecs, a été la première question examinée par la Conférence. Ainsi le voulait la justice. Les Alliés, au cours de la guerre, ont promis à plusieurs reprises aux populations non turques, particulièrement aux Arméniens, Nestoriens, Hellènes, etc., que la victoire des Alliés serait le signal de leur délivrance du joug ottoman. La carence des Américains, la politique particulariste de l’Angleterre, n’ont pas permis de tenir ces engagements ; du moins les Alliés doivent-ils à ces populations et se doivent-ils à eux-mêmes de leur assurer des garanties sérieuses de sécurité, de liberté, d’égalité civile. Les Turcs demandent que l’Europe s’en rapporte à leur loyauté et que les races chrétiennes se soumettent à leurs lois ; ils se refuseraient, dit-on, à toute mesure d’exception, fût-elle transitoire, et surtout à un contrôle étranger. Cependant, même si l’on est convaincu de leur bonne foi, on est encore obligé de douter de leur pouvoir. L’ineffaçable souvenir des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants chrétiens torturés et assassinés pendant la guerre par les Turcs pèse sur la reconstruction d’un État ottoman indépendant. Les Turcs ont tout à gagner à ce que des mandataires de l’Europe, présents dans leur pays, préviennent des violences que trop d’affreux précédents permettent d’appréhender. Les Grecs, durant la campagne de 1921, ont commis, eux aussi, des dévastations et des massacres ; les populations musulmanes ont le droit d’être garanties contre le retour de pareilles atrocités. C’est ce que la Conférence de Paris a compris : elle propose de confier à la Société des Nations la protection des minorités dans l’Empire ottoman aussi bien que dans le royaume de Grèce ; un haut-commissaire de la Société des Nations, résidant à Constantinople, enverrait ses délégués partout où il le jugerait nécessaire. Un tel contrôle collectif, réalisé par un haut organisme international dont l’Empire ottoman, aussitôt la paix signée, serait admis à faire partie et qui présente toutes garanties d’impartialité, n’a rien d’humiliant pour l’amour-propre national des Turcs ou des Grecs. Mais sera-t-il suffisant pour engager ce qui reste, en Anatolie, de populations arméniennes,