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L’entente devrait donc, à la Conférence de Paris, se trouver sans trop de peine réalisée.

Comme entrée de jeu, les trois ministres des Affaires étrangères ont télégraphié aux Gouvernements d’Athènes, de Constantinople et d’Angora pour les inviter à accepter d’abord un armistice. Mais déjà ils préjugent, tout au moins partiellement, le fond du débat, puisqu’ils déclarent être « réunis à Paris en vue de rétablir la paix dans le Proche-Orient et d’être à même de faire des propositions pour l’évacuation de l’Asie-Mineure. » Le projet d’armistice prévoit la constitution de « commissions alliées « chargées de contrôler dans les deux armées l’exécution des clauses de l’armistice et de régler les incidents qui pourraient survenir. C’est entrer dans la bonne voie, celle qui mène à la coopération des trois grandes Puissances avec les Turcs et les Grecs pour le rétablissement de la paix, de la sécurité et de l’ordre dans tous les territoires de l’ancien Empire ottoman.

Au point de vue territorial, deux problèmes sont à résoudre : celui de Smyrne et celui de la Thrace. Sur le premier, il ne semble pas qu’il puisse surgir, entre les Alliés, de graves divergences. L’Anatolie tout entière sera turque ; de même que les Français ont fait, à la paix de l’Islam, le sacrifice de la Cilicie, les Grecs sacrifieront à l’intérêt général Smyrne et ses environs et, gardant les îles, ne chercheront pas à entamer le continent ; le texte du télégramme, qui invite les antagonistes à un armistice, semble prouver que le marquis Curzon admet cette solution. Il aurait, parait-il, suggéré que le Vali de Smyrne ne fût nommé qu’avec l’assentiment des Puissances alliées, de même qu’avant 1914, le gouverneur du Liban devait être agréé par la France ; il aurait demandé en outre un régime municipal spécial pour la grande ville commerçante cosmopolite de Smyrne.

La question de la Thrace est plus délicate, parce qu’elle implique celle des Détroits. A l’heure où nous écrivons, les trois ministres ne l’ont pas encore résolue ; nous n’en sommes que plus libres pour esquisser quelques vues d’avenir. La frontière du Traité de Sèvres, qui établissait la domination hellénique à quelques kilomètres, à portée de canon de Constantinople, était un défi au bon sens, une provocation à des guerres futures ; les Anglais avaient tenu à installer les Grecs à portée de la proie qu’ils leur réservaient et qu’ils entendaient tenir eux-mêmes par leur intermédiaire. Il fallait ou chasser entièrement les Turcs d’Europe et les reléguer sur les plateaux d’Anatolie d’où ils sont venus au XIVe siècle, ou, s’ils étaient maintenus en Europe, assurer