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REVUE DRAMATIQUE


Porte-Saint-Martin : La dernière Nuit de Don Juan, deux actes et un prologue en vers, par Edmond Rostand. — Théâtre Sarah Bernhardt : Les Aigles dans la tempête, comédie héroïque en quatre actes, en vers, par M. Albert du Bois. — Divers.


Il faut savoir gré à la Porte-Saint-Martin d’avoir représenté la Dernière Nuit de Don Juan. La critique a été unanime à écouter avec émotion et respect l’œuvre posthume d’Edmond Rostand. Elle a réparé ainsi une certaine injustice dont elle s’était rendue coupable au lendemain de la mort du grand et charmant poète. Pourquoi seulement n’est-ce pas la Comédie-Française qui a monté la dernière œuvre de l’auteur des Romanesques, comme elle avait fait la première ? Nous sommes beaucoup à nous souvenir de l’heureuse soirée où, pour la première fois, dans une atmosphère de gaîté légère et de juvénile allégresse, se révéla au public l’âme délicate et tendre d’Edmond Rostand. Nous aurions aimé que la même maison nous offrît, en pendant, ce soir mélancolique où nous venons de recueillir, dans l’œuvre inachevée qui paraissait aux feux de la rampe, le testament du poète.

Car c’est bien cela qu’est la Dernière Nuit de Don Juan. Morceau lyrique beaucoup plus que pièce de théâtre, cette ébauche très poussée procède de la même veine d’où était sorti Chantecler. Elle continue et accentue le même travail intérieur, celui qui de plus en plus subordonne au poète l’homme de théâtre. Alexandre Dumas fils, dans l’admirable préface de l’Étrangère, a dit l’angoisse de l’auteur dramatique qui, dédaignant d’être un amuseur, a voulu, par les moyens de la scène, exprimer des idées qui lui sont chères. Parvenu à un tournant de sa carrière, il s’interroge sur les limites de son art et