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tiative. Avec quelques-uns de leurs amis, ils ont présidé à un choix de tableaux du XIXe siècle, choix qui s’étend jusqu’à nos jours, — les limites adoptées vont en somme de 1820 à 1920, — et qui peut passer pour un modèle du musée de peinture française, du nouveau « Luxembourg » qu’il serait souhaitable de voir réaliser à Strasbourg.

Je ne puis songer à décrire une exposition que chacun a déjà vue ou ne manquera pas d’aller voir. C’est une « Centennale » en petit, un siècle de peinture résumé à grands traits, en quelques œuvres significatives. L’ensemble comprend moins de deux cents numéros, environ quatre-vingts artistes, pas davantage, mais ces deux cents toiles, la plupart rares ou peu connues, montrent le talent des différents maîtres sous le jour le plus piquant et le plus imprévu. On ne saurait trouver une plus belle occasion de voir, en quelques moments, autant de chefs-d’œuvre des grands maîtres du dernier siècle, d’Eugène Delacroix à Courbet, de Millet à Gustave Moreau et de Manet à Cézanne, sans compter des tableaux charmants d’auteurs peut-être un peu démodés, mais qui tiennent toujours leur rang, tels que Cabanel ou Baudry, Ricard ou Carolus-Duran, pour ne parler ici que des morts.

Mais il est clair que cette revue n’est pas le vrai intérêt de cette exposition. Si le public trouve son plaisir dans la partie rétrospective, l’objet des organisateurs est certainement de nous amener à la partie contemporaine. Leur programme n’a pas été de nous divertir et de nous faire admirer une fois de plus des talents consacrés ; ce n’était même pas de nous offrir le tableau, déjà souvent offert, de l’évolution de l’art au dernier siècle. Tout le sens de leur entreprise est dans la conclusion. Ils profitent du cortège des maîtres pour accrocher à ce convoi leur bateau, le dernier bateau. De Delacroix au néo-impressionnisme, tel est le titre d’un opuscule de M. Paul Signac, paru voilà une vingtaine d’années. En tête du catalogue de la présente exposition, se trouve une préface de M. André Lhôte, intitulée : D’Ingres au cubisme.

Voici donc une petite conférence de Gênes, où l’extrême avant-garde des peintres se présente à nous sur le pied d’égalité avec les maîtres, et nous convie à reconnaître ses titres de légitimité, à peu près comme les députés des Soviets à côté des anciens gouvernements bourgeois. On a même prétendu nous