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D’INGRES AUX CUBISTES




Le Musée de Strasbourg est très pauvre en ouvrages français. L’Allemagne, qui les collectionne avec soin pour son compte, semblait les redouter en Alsace. Sans doute la cathédrale et le palais de Rohan, le tombeau de Maurice de Saxe et la statue de Kléber, suffisaient à donner, en dépit des Allemands, une magnifique leçon de français. Mais c’est une leçon d’autrefois, et il s’agit maintenant, après cinquante ans de séparation, de reprendre la vie commune et de mettre l’Alsace « à la page. » Ce n’est pas tout. On souhaite d’attirer à Strasbourg l’ancienne clientèle des universités allemandes. Quel ne serait pas le rôle d’une École des Beaux-Arts ouverte à ces jeunes nations qui viennent de secouer les chaînes du germanisme ! On me contait à Prague, il y a quelques semaines, que l’Académie de cette ville, organisant l’été dernier un voyage d’études, faute de pouvoir faire les frais d’un séjour à Paris, avait dû se contenter d’une tournée à Berlin et Munich. Peut-être qu’on eût volontiers poussé jusqu’à Strasbourg, si Strasbourg avait eu de quoi attirer de jeunes peintres : Strasbourg leur aurait épargné la moitié du chemin.

C’est à quoi ont pensé quelques personnes de bonne volonté, qui méditent de combler les lacunes du musée. Chacun tient à faire, dans sa sphère, quelque chose pour l’Alsace. Une donatrice généreuse a déjà fait présent d’une collection magnifique d’ouvrages de la Chine. Enfin, pour accélérer les choses, en intéressant à cette œuvre les sympathies du public, on a eu l’idée de former une exposition, dont les bénéfices serviront de premier fonds d’achat à la caisse du musée. Deux peintres, d’âge et de talent bien divers, mais d’une égale intelligence, M. Jacques-Émile Blanche et M. André Lhôte, en ont pris l’ini-