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la formule de Waldeck-Rousseau en faisant évoluer l’indigène dans sa civilisation suivant la mesure compatible avec son statut religieux et ses diverses possibilités. N’avons-nous pas précipité cette évolution au risque de la compromettre en la faussant. Des réformateurs préconisent hardiment le développement de l’indigène par l’étude des sciences positives, la plus utile réforme devant être, selon eux, la diffusion de l’esprit scientifique, la science des sciences, disent-ils, qui permettra aux musulmans de rattacher leur passé au présent ! La tâche sera délicate et son efficacité parait contestable ; le meilleur procédé ne serait-il pas de mettre la masse en voie progressive d’évolution, en la guidant simplement et prudemment ? Quand nos extrémistes se réjouissent que les indigènes marchent derrière le drapeau rouge comme dans les grèves d’Oran, ils font, évidemment, preuve de logique puisque entrepreneurs de démolition sociale, ils cherchent des collaborateurs pour leur œuvre détestable ; mais combien grande est leur ignorance ! Nous sommes loin du jour ou l’Islam aura perdu son empire ; en tout cas, le sentiment de xénophobie qui est encore au fond de l’âme indigène n’en continuerait pas moins de vivre, au lendemain de la désaffection de l’idée religieuse ; est-il désirable que ce détachement se produise ? On en peut douter, car de deux choses l’une, ou nous aurons des déclassés prêts aux pires besognes, ou nous conserverons des disciples d’une religion que nous devons surveiller, mais qui, à l’exemple de toutes les religions, est une grande école de morale et sur laquelle pourront avoir prise nos traditions françaises d’équité et de tolérance.


Dans la situation que nous venons d’exposer, on a pu voir que l’Algérie offre des conditions qui sont à peu près sans exemple dans l’histoire coloniale : aussi bien notre possession n’est, exclusivement, ni une colonie de peuplement comme le Canada, ni une colonie d’exploitation économique et de simple domination comme l’Inde anglaise. La tâche est donc délicate d’y faire vivre en harmonieuse collaboration les deux grands groupements de populations européenne et musulmane, en tenant compte de leurs mentalités et de leurs intérêts. En remontant dans le passé, on croit apercevoir que la Métropole, lorsqu’elle inaugura la politique d’assimilation, pensait assurer