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acquérir aussi facilement que l’indigène. C’est ainsi qu’en attendant, on avait envisagé, à Alger, dans un dessein de protection, la création d’un impôt spécial grevant les ventes aux indigènes des terres de colonisation.

Pourquoi ne pas modifier le régime foncier ? Près de 3 000 000 d’hectares d’excellentes terres de culture, n’étant possédées qu’à titre précaire par leurs détenteurs, restent improductives. Ce sont les terres « arch » du département de Constantine et d’Alger, « sabega » du département d’Oran. Depuis de nombreuses années, et à chacune de leurs sessions, les hautes assemblées de la colonie se sont élevées contre cette situation, pressant les pouvoirs publics d’y mettre fin en décidant que l’établissement de la propriété indigène sera effectué par douar et non au fur et à mesure des demandes d’enquêtes partielles.

L’Administration s’est, jusqu’à ce jour, refusée à cette initiative ; elle s’est abritée derrière le texte d’une législation qu’il lui appartient de faire réformer en saisissant les Chambres, et en attendant, ces terrains demeurent livrés au bon plaisir des djemaas, dont nous avons vu la déplorable moralité.

A tout prendre, nous devons nous féliciter de l’enrichissement de l’indigène, certes ; une population prospère est la base de notre puissance, mais encore faut-il que cet enrichissement soit réel, qu’il ne repose pas sur une inflation monétaire exagérée où l’on voit l’indigène, peu confiant dans la valeur du billet, se précipiter vers des opérations d’achat qui tendent à l’éviction de l’élément national.

N’a-t-on pas, en ce sens, subi en Algérie des mesures mal étudiées issues de la Métropole ; c’est ainsi que l’on a justement critiqué le système des allocations appliqué, pendant la guerre, dans les tribus, assimilant la famille indigène vivant de peu, ayant des besoins restreints, à la famille française. Que dire du gaspillage qui attribuait aux femmes d’indigènes jusqu’à 5 et 6 000 francs par an ? Tout le monde, sans contrôle, sous un régime de bon plaisir, était soutien de famille : aussi désirait-on que la Grande Guerre durât éternellement, pour que la paix ne vînt pas tarir cet admirable Pactole. Le prolétariat des campagnes n’existait plus ; les prêts des monts de piété, dans les villes, étaient remboursés ; mais aussi personne ne travaillait. Tout récemment, au moment de la famine, on distribuait des secours en argent, en grains, alors qu’il eût été plus judicieux d’installer