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de la science, un sabotage qui aurait pu avoir les plus meurtrières conséquences.

Un jour, on arrête un ancien tirailleur fixé à Médine, marié à une femme du Turkestan, parlant le russe, revenant de Syrie en Algérie avec un passeport espagnol ; il parcourait la colonie, allant de marabout en marabout, de centre religieux en centre religieux, récoltant des aumônes et se livrant à la plus mystérieuse des besognes. Enfin, dernièrement, une association commerciale, sous la direction d’un musulman fixé à Fez, masquait une organisation à tendance bolchéviste. On ne saurait s’en étonner, après que l’Algérie et la Tunisie ont subi les voyages de propagande, au cours de l’hiver précédent, d’un universitaire en congé, délégué permanent du parti socialiste communiste, dans l’Afrique du Nord, qui rapporta au Congrès de Tours l’adhésion à la IIIe Internationale de ce que l’on appelle le prolétariat indigène africain, si grande est l’audace de cette entreprise révolutionnaire ! A Tunis, les idées bolchévistes ont eu un certain succès, et, de fait, de hautes personnalités de l’Islam avaient proclamé que les théories de Moscou s’accordent avec la loi du Prophète et que, pour un croyant, il est méritoire de les répandre. « La guerre de feu est terminée : maintenant la guerre politique va commencer, » disait, en novembre 1920, le propre frère d’Enver Pacha, Nouri Bey, lors de son passage à Gabès, assurant qu’il rapporterait bientôt l’indépendance à ses frères d’Afrique. Les événements de Tripolitaine devaient avoir une forte répercussion dans le Sud tunisien et jusqu’en Algérie, car les Italiens ont cru devoir combler de faveurs les mêmes grands chefs indigènes qui, en 1915, les ont obligés à se réfugier à la côte. Disons en passant que cette politique, pour le moins étrange, est bien mal comprise dans la Métropole, car tout récemment, nous l’entendions citer en exemple pour la direction de nos affaires en Tunisie.

Nous ne devons donc pas laisser la masse de nos populations livrée à elle-même ; tout est à faire de ce côté ; nous pouvons y être encouragés, car on se rappellera qu’à l’ouverture des hostilités avec la Turquie, une délégation de hautes personnalités indigènes effectua à Constantine une démarche de loyalisme auprès du Préfet, témoignant ainsi de sa fidélité à l’autorité française.

La souplesse de la propagande soviétiste est connue ; quand elle s’adresse aux musulmans, ce ne sont pas les théories