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administrateurs, concédés à nouveau, comme nous le verrons, est une sauvegarde suffisante, et si nous ne devrions pas, surtout dans nos protectorats, astreindre les journaux de langue arabe, soit à l’autorisation préalable, soit au cautionnement, tout au moins à un nouveau régime. On a dû suspendre récemment, à Tunis, une feuille arabe nettement communiste ; à peine disparue, une autre s’apprête à renaître, ainsi que le phénix de ses cendres. Et l’on parle d’un journal communiste de Paris qui s’offrirait le luxe d’une édition en arabe, destinée à la Régence [1]. Ne soyons pas dupes ; la liberté de la presse se justifie en France entre Français, mais il ne saurait en être de même dans les pays où nos compatriotes, noyés dans une population indigène, sont en contact avec de forts groupements d’origine ou de nature étrangère. Il est, à tout le moins, imprudent d’assister impassible à ces efforts faits pour détacher les indigènes de notre cause, en affaiblissant leur loyalisme. Cette inaction serait, aux yeux de la population tout entière, un témoignage de faiblesse ; et je m’imagine que l’une des préoccupations les plus immédiates du Gouvernement doit être de restreindre cette presse, d’autant plus dangereuse qu’elle agit sur des centaines de mille de musulmans désormais nantis de droits électoraux.

Aussi bien, on retrouve, trop fréquemment, une opposition calculée, chez quelques dirigeants des partis indigènes, quand il s’agit de mieux orienter notre administration ; à la dernière session des assemblées algériennes, des délégués indigènes s’élevaient contre le projet de réorganisation à Paris des services de l’Algérie du ministère de l’Intérieur. Redoutaient-ils que la Métropole, mieux instruite des affaires de la colonie, fit le départ entre les fallacieuses revendications des meneurs et les besoins réels de la population ? Ne laissons pas s’installer le crédit d’agitateurs qui exploitent notre générosité ou nos faiblesses et s’efforcent de grouper l’Islam algérien en déformant ce qui se produit ailleurs dans le monde musulman. L’Africain mêlé de sang berbère est subtil autant qu’utilitaire ; son esprit, comme celui de ses ancêtres numides, est souple et fertile ; il

  1. Un récent décret beylical vient, très opportunément, d’apporter un nouveau règlement, dans la Régence, à la presse indigène ou hébraïque, tandis que des mesures rigoureuses devaient être prises contre quelques agitateurs. On mettra ainsi, espérons-le, un frein à la propagande anti-française qui s’effectuait dans les milieux indigènes.