Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/661

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les objurgations de son père aussi timoré que Cheverny, est un temps capitaine sous Georges Cadoudal ; les fils Lacaille ont aussi, assure-t-on, combattu sous le même chef ; les apprentis de Lacaille sont connus pour leur exaltation ; l’un d’eux ira se faire fusiller à Brest comme suspect d’espionnage au compte des Anglais.

Sans doute le lieu de réunion ordinaire des Chouans est l’auberge de Berruet « Aux Trois Marchands. » Mais il y a des asiles plus secrets, surtout pour ceux qui sont traqués, et la maison des sœurs Vallon est un de ces refuges. Nous ne savons pas les noms de ces Français « en nombre infini » qui ont dû leur salut à Annette, comme nous l’apprend un document de la Restauration ; qui ont été « sauvés, cachés et secourus » par elle, de ces « émigrés et prêtres persécutés qu’elle a fait échapper des prisons et arrachés à la mort. » Parmi ceux qui attesteront alors son dévouement, un seul, le chevalier de La Rochemouhet, déclarera « que Mme Williams lui a sauvé la vie en exposant la sienne. » Les autres seront plutôt des témoins que des obligés personnels, — Théodore de Montlivault, le comte de Salaberry, le vicomte de Malartic, le baron de Tardif, etc. Peut-être le vicomte de Montmorency-Laval lui dut-il assistance directe dans ses épreuves. Grand libéral naguère, — n’est-ce pas lui qui proposa dans la nuit du 4 août la suppression des privilèges nobiliaires ? — il s’était repenti de ce qu’il appelait ses erreurs ; il était à la fin du siècle dans le Loir-et-Cher, menacé d’arrestation. Quand les Bourbons seront rétablis, il marquera à Annette sa gratitude.

Tous ceux qui ont porté quelque coup aux Jacobins ont gagné l’affection d’Annette, par exemple ce Nicolas Bailly que nous verrons plus tard son grand ami. C’est lui qui, chargé du réquisitoire contre Babeuf et les babouvistes à Vendôme en mai 1797, contribua à la condamnation du socialiste redouté et à la déconfiture des Jacobins qui le soutenaient.

L’activité des sœurs Vallon était extrême, surtout celle d’Annette, et ne pouvait échapper à l’attention du gouvernement Les recherches de la police vont se resserrant et aboutissent au signalement d’une longue liste de suspects dont le ministre de la Justice ordonne l’arrestation. Cela commence à la fin du Directoire, avec l’entrée de Fouché au ministère de la Justice, et se continue pendant les premiers mois du Consulat. Du