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Mais le parti reprit vite courage. Sans renoncer à son but, il changea de tactique. A l’insurrection parisienne, succéda la chouannerie provinciale dont Blois devait être un des principaux centres et dans laquelle Annette se lança de grand cœur. Elle s’associa aux Chouans les plus combatifs, ceux que réprouvait le comte de Cheverny, lequel avait pour plan de se conserver, lui et les siens, « par une nullité absolue. »

Cheverny abonde en récriminations contre les imprudents de son ordre ou de son parti, ceux qui compromettaient la sécurité des autres par leurs intrigues. Mais, à l’occasion, lorsqu’un coup adroit a bien réussi, il ne peut se tenir d’y applaudir. C’est ainsi qu’il raconte avec plaisir certain incident blésois où figure l’une des trois sœurs.

C’est à la suite d’un coup de barre à gauche donné par le Directoire. La loi du 22 germinal an IV (11 avril 1796) venait d’édicter des sévérités nouvelles contre les prêtres réfractaires et les émigrés. Or, il y avait deux de ces derniers dans la prison de Blois. Un complot se noua en ville pour les faire évader. Un matin, cinq personnes étaient arrêtées devant la prison par la patrouille, parmi lesquelles Lacaille fils, âgé de seize ans, armurier, et un apprenti chirurgien de chez Vallon. On les accuse d’avoir machiné l’évasion des émigrés. On a trouvé près d’eux, par terre, une échelle de corde très bien faite. Et Cheverny nous dit ici .


Une demoiselle Vallon, fille pleine de mérite et d’obligeance, est interrogée devant le jury, comme ayant commandé vingt-sept brasses de corde pour faire l’échelle qui devait sauver les prisonniers. Elle avoue avoir commandé la corde, mais elle dit qu’elle existe encore dans son grenier, ce qui est vrai. Ainsi, elle est absoute.


Si Cheverny la félicite, c’est sans doute qu’il trouve qu’elle fut dans la circonstance à la fois hardie à favoriser l’évasion et experte à se tirer d’affaire. Bien que nous ne puissions dire avec certitude laquelle des demoiselles Vallon Cheverny avait dans sa pensée, il y a bien des chances pour que ce soit Annette, toujours signalée comme la plus agissante des trois. Elle se détache maintenant de ses oncles, les prêtres constitutionnels, et retourne à l’ancien culte. On trouve sa signature à un mariage secret catholique-romain célébré dans la chapelle domestique tenant lieu de la paroisse Saint-Honoré, le 14 juillet 1795.