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malgré les troubles persistants, malgré la guerre et la misère générale du pays, avait la douceur d’une convalescence. Elle semble avoir eu alors à Blois un charme particulier, à en croire Dufort, comte de Cheverny, qui en a tracé dans ses mémoires un idyllique tableau :


Grâces soient rendues aux. habitants de la ville de Blois qui ont su rendre la société qui s’y réunit la plus agréable possible. Blois est préférable à tous égards aux trois villes qui l’avoisinent : Orléans, Vendôme et Tours, et de tout temps elle a obtenu coite distinction. Le peu de fortune des habitants a fait disparaître toute rivalité, et les distinctions de rang y sont nulles. Le peu de commerce qui s’y fait n’excite pas la concurrence ; le peu de gens qui y vivent y restent par un attrait irrésistible. Malgré (ajoute-t-il) la pénurie qui atteint toutes les classes, on se réunit, vingt, trente personnes, quelquefois plus. L’étranger qui est reçu dans ces réunions peut se croire au milieu d’une famille. Les femmes y sont élégamment mises, et l’on y compte presque autant de filles à marier plus jolies les unes que les autres. La musique y est portée à une grande perfection... On y donne des concerts qui paraîtraient bons même à Paris.


Un bel esprit de charité y régnait envers les victimes de la Révolution, nous affirme un autre témoin, la femme du docteur Chambon de Montaux qui vécut à Blois de 1793 à 1804 : « On ne tarirait pas si l’on voulait rendre compte des traits d’humanité que les habitants de Blois ont exercée envers les malheureux proscrits. Nous y avons été accueillis et prévenus par la noblesse de la ville, amie du Roi et de l’Etat, comme par des frères, et nos larmes y furent essuyées par l’amitié. »

Les royalistes y sont actifs et ‘nombreux. Blois est « un des plus ardents foyers de la contre-Révolution. » Le 9 thermidor y a fait naître de grands espoirs. L’insurrection de Vendémiaire y a eu des agents zélés en correspondance avec les sections en révolte de Paris et parmi ces agents figurent déjà des hommes, comme Guyon de Montlivault et Pardessus jeune, que nous retrouverons sans cesse au nombre des amis des sœurs Vallon. Ces premières espérances devaient être anéanties le 13 vendémiaire (5 octobre 1793) par le jeune Bonaparte devant l’église Saint-Roch. Il en résulta d’abord un grand découragement pour les royalistes. Très différent devait être le ton de la lettre d’Annette signalée par Dorothée le 30 novembre, selon qu’elle avait été écrite avant ou après le 13 vendémiaire.