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avec la constante inquiétude de le trahir par leurs secours mêmes. Nul doute non plus que l’atroce injustice dont leur frère était victime n’ait insuffle à ces femmes la haine de la Révolution.

Cette sinistre affaire devait tenir grande place dans les lettres qu’Annette continuait d’envoyer à Wordsworth. Mais les recevait-il ? Et ses lettres à lui parvenaient-elles à la jeune femme ? La première qu’il ait reçue à notre connaissance est celle dont Dorothée parlait à une amie en novembre 1795 : « William a reçu une lettre de France depuis que nous sommes arrivés ici (à Racedown). Annette dit qu’elle en a envoyé une demi-douzaine dont aucune ne nous est parvenue. » La violence de la guerre rendait toute correspondance précaire, presque impossible. Les relations au contraire redevinrent fréquentes lors des préliminaires de la paix d’Amiens. Alors, du 21 décembre 1801 au 24 mars 1802, les journaux de Dorothée enregistrent toute une série de lettres échangées entre le poète et son amie. Il est manifeste que leur correspondance a été aussi active qu’il se pouvait, et que les circonstances seules l’ont empêchée d’être continue.


X

Si, dans cette nouvelle série de lettres, Annette n’a plus d’aussi tragiques aventures à relater, les incidents, les malheurs et les dangers n’ont pourtant manqué ni à elle ni aux siens, après une brève accalmie.

La Terreur finie, Paul Vallon sorti de sa cachette et rentré dans l’étude de Me Courtois, il semble qu’il y eut une courte période pendant laquelle la famille Vallon put respirer à l’aise. Les trois sœurs vivaient ensemble à Blois, pauvres sans doute (qui ne l’était alors ?) mais en relations avec la meilleure société de la ville. Elles habitaient la maison de famille de la rue du Pont. A l’abri du nom de Madame William qu’elle avait pris, ou de Veuve William, — car on rencontre alternativement l’un et l’autre, — Annette protégée du scandale élevait Caroline. Son frère Charles-Henry, devenu le chef de famille par la mort de Jean-Jacques, était dans une situation prospère. Il avait obtenu en 1794 la place enviée d’officier de santé en chef de l’hôpital de Blois.

La vie, après la chute de Robespierre et pendant tout le Directoire,