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Il a non seulement proféré des injures contre Bourdon et contre la Convention, mais il a pris le député par le collet et l’a jeté par terre, il l’a frappé de son sabre ; il aurait même tiré un coup de feu. Aussi bien a-t-il été le premier arrêté.

Mais on lit avec stupeur les accusations portées contre Paul Vallon qui était de garde extraordinaire à l’Hôtel de Ville : il est coupable d’avoir essayé de s’arracher des mains des patriotes ; il n’est pas venu aider les assaillants de Bourdon, mais il a été appelé à l’aide par eux, et cela suffisait amplement pour avoir la tête tranchée. N’était-il pas connu en ville pour un ami de l’ancien régime ?

Les accusés, transférés à Paris, à la Conciergerie du Palais, sont traduits par Fouquier-Tinville devant son tribunal. La fille mineure de Gellet-Duvivier présente une supplique où elle expose que, depuis la mort de sa femme, le pauvre homme n’a plus sa raison, que les gens d’Orléans le savent imbécile, que, depuis son arrestation, sa démence est complète, qu’il empêche ses compagnons de chambrée de reposer par ses cris incohérents ; que, lorsqu’elle rend visite à son père, il ne la reconnaît pas ; il l’appelle sa femme ou lui demande de l’épouser. Elle requiert qu’il soit examiné pour que l’on constate sa folie ou son imbécillité.

Correctement, Fouquier-Tinville accorde l’examen, mais le pauvre Gellet-Duvivier n’en est pas moins un des neuf accusés d’Orléans qui, le 13 juillet, montent sur l’échafaud.

Il faudra que le 9 thermidor arrive et que près de deux ans s’écoulent pour que l’abominable procès soit révisé, lorsque six sections de la commune de Dijon, — la ville où s’était rendu Bourdon aussitôt après la rixe d’Orléans, — dénonceront le député pour s’être vanté d’avoir provoqué lui-même et à dessein la bagarre (9 mai 1795).

Cependant, plus prudent et plus heureux que Gellet-Duvivier, Paul Vallon a pu sauver sa tête. Quand on avait voulu l’arrêter, le 24 avril 1793, il avait disparu. Il est parmi les accusés notés absents que Fouquier-Tinville condamnait le 16 juin à être appréhendés et écroués à la Conciergerie. Il s’est caché à Orléans même chez un M. Petitloi, dit une tradition de famille. Mais on peut imaginer les angoisses des siens, de ses sœurs, pendant tous ces mois où le moindre mot pouvait le perdre. Nul doute qu’il n’ait été assisté par elles autant qu’elles le pouvaient,