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de votre amitié que je trouve quelque soulagement et dans l’inviolabilité des sentiments de mon cher Williams (sic). Je ne peux être heureuse sans lui, je le désire tous les jours.


Elle essaie bien parfois d’appeler la raison à son secours. Elle veut le retour de son ami et le redoute, car la guerre est menaçante. Elle se contredit quatre fois en dix lignes :


Je serais plus consolée si nous étions mariés, mais aussi je regarde [comme] presque impossible que tu t’exposes si nous avons la guerre. Tu serais peut-être pris prisonnier (sic). Mais où m’égarent mes désirs ?


Je parle comme si je touchais à l’instant de mon bonheur. Écris-moi ce que tu penses à ce sujet et mets la plus grande activité à hâter le bonheur de la fille et le mien, mais surtout s’il n’y a pas le moindre risque ; mais je crois que la guerre ne sera pas longue. Je voudrais voir nos deux nations [réconciliées.] C’est un de mes vœux les plus sincères. Mais surtout informe-toi d’un moyen pour nous écrire en cas que la correspondance entre les deux royaumes fût interrompue.


Son plus fort argument, pour réclamer le mariage, c’est moins sa passion de femme que son amour maternel. Elle admettrait que William ne vînt que pour repartir aussitôt, s’il lui fallait repartir. Malgré le besoin de lui qu’elle a pour être heureuse, elle ferait ce sacrifice. Mais alors, sa situation régularisée, sa fille pourrait lui être rendue. Elle écrit à Dorothée :


Je puis vous assurer que si j’étais assez heureuse pour que mon cher Williams pût faire le voyage de France pour venir me donner le titre de sa femme, je serais consolée. D’abord ma fille aurait un père et sa pauvre mère jouirait du bonheur de l’avoir toujours avec elle. Je lui donnerais moi-même des soins que je suis jalouse qu’elle reçoive de mains étrangères. Je ne ferais plus rougir ma famille en l’appelant ma fille, ma Caroline ; je la prendrais avec moi et j’irais à la campagne. Il n’est pas de solitude où je ne trouve de charme avec elle.


Sa pire souffrance a été le jour où l’enfant fit sa première sortie et où la femme qui la portait passa devant la maison de la mère sans s’arrêter. « Cette scène, écrit-elle à Dorothée, m’a valu une journée entière de larmes. Elles coulent encore... »

C’est du reste à parler de la petite Caroline qu’elle emploie presque toutes ses pages. Elle est intarissable sur les merveilleux progrès du bébé de trois mois. Elle la voit si belle, si ressemblante