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le mariage et déjà elle évoque la maisonnette où vivra le nouveau ménage et dans laquelle elle aura sa place. Elle entre spontanément en relations épistolaires avec Annette qu’elle assure de son affection de sœur. Pour cette correspondance elle se remet « à piocher son français. » Mais elle tremble à la pensée de tout dire aux Cookson, dont elle pressent la colère. Elle avoue sa crainte à Annette, qui écrit à William : « Je te prie de l’engager à ne rien dire à ton oncle. Ce sera un combat pénible qu’elle aura à soutenir. Mais tu le juges nécessaire. » Et Annette oublie un moment sa propre détresse pour plaindre Dorothée des chagrins qu’elle lui cause. Elle s’afflige de la savoir privée de toute sympathie :


Vous n’avez personne à qui vous puissiez librement confier l’état pénible de votre âme et vous êtes obligée d’étouffer les larmes que votre sensibilité vous arrache... Je vous recommande de cacher autant que vous le pourrez à votre oncle et à votre tante les raisons qui commandent à vos larmes de couler.


Ainsi s’exprime Annette dans une double lettre écrite le 20 mars 1793 à William et à Dorothée, lettre saisie par la police française en raison de la guerre et qui vient d’être retrouvée dans les Archives de Blois.

Annette est rentrée à Blois avec son enfant. Elle vit dans sa famille, mais par peur du scandale elle a été obligée de se séparer de Caroline qui a été mise en nourrice à peu de distance, si bien que la pauvre mère lui fait d’incessantes visites. Elle entretient avec William une correspondance copieuse. Si la lettre à William du 20 mars est relativement courte, c’est qu’elle lui en a écrit une « bien longue » le dimanche dernier et qu’elle lui en promet une autre pour le dimanche suivant. C’est aussi parce qu’elle se consacre surtout cette fois à Dorothée à qui elle doit une réponse et à qui elle fait large mesure.

Les deux lettres réunies sont un long et pathétique appel à l’ami éloigné. A chaque page se répète la prière : Reviens m’épouser. Elle souffre trop en son absence. Elle l’aime si passionnément ! Quand elle étreint son enfant, elle croit tenir William dans ses bras : « Son petit cœur bat souvent contre le mien ; je crois sentir celui de son père. » Elle écrit à Dorothée :

Je voudrais vous donner quelque consolation, mais, hélas ! je ne le peux. C’est à moi d’en chercher auprès de vous. C’est dans l’assurance