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faisait s’éloigner d’Orléans avant la délivrance d’Annette ? Sa présence fut-elle jugée préjudiciable au secret que l’on voulait garder ? D’autre part, il ne pouvait se résigner à mettre la mer entre Annette et lui, tant qu’il ne saurait pas l’issue maintenant imminente.

C’est à Paris qu’il apprit la naissance de sa fille. Le 15 décembre 1792, en la paroisse cathédrale de Sainte-Croix était baptisée « Anne-Caroline Wordwodsth (sic), fille de Williams Wordwodsth, Anglois, et de Marie-Anne Vallon. » Paul Vallon était le parrain de l’enfant et Mme Augustin Dufour sa marraine. Le père, absent, était représenté par André-Augustin Dufour, muni d’un pouvoir « ad hoc signé du poète. Le père reconnaissait l’enfant et lui donnait son nom, autant du moins que le vicaire épiscopal Perrin pouvait l’écrire.

Peu de temps après, vers la fin de décembre, Wordsworth regagnait l’Angleterre. Il semble qu’il soit resté en France jusqu’à l’extrême limite de ses ressources. Et c’est à contre-cœur qu’il rentrait dans sa patrie. « C’est, nous dit-il, tiré par la chaîne de la dure nécessité » que « malgré moi je m’éloignai de France. » Mais il laisse croire que c’est la seule ardeur révolutionnaire qui lui faisait souhaiter d’y demeurer. S’il l’avait pu, dit-il, il eût lié sa cause à celle des Girondins. Il nous cache la raison capitale de sa répugnance à quitter le pays où venait de naître son enfant.


VII

Pourquoi Wordsworth quittait-il la France sans épouser Annette ? Il avait reconnu sa fille, pourquoi ne la légitimait-il pas en se mariant avec la mère ? A voir la passion dont il était enflammé en 1792, il semble qu’il l’eût fait alors, s’il l’avait pu. Et cependant il n’y eut point de mariage. Il n’y en eut pas avant la naissance de Caroline, comme en témoigne son certificat de baptême ; il n’y en aura pas postérieurement, comme l’atteste l’acte de décès d’Annette qui mourra « célibataire. »

L’explication la plus probable est son dénuement qui était trop réel. Pour entretenir une femme et un enfant, il lui fallait obtenir l’aide de ses tuteurs, une avance sur l’argent qui devait lui revenir un jour. Pour cela, il était indispensable de gagner leur consentement. Peut-être désarmerait-il leur opposition