Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/646

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais le départ d’Annette s’explique assez par des motifs directs. Son état ne pouvait plus être celé maintenant. Il lui était impossible de demeurer dans sa ville natale sans que sa faute y devint publique. Elle retournerait à Orléans où dans quelque retraite, auprès d’amis apitoyés et qui peut-être se sentaient un peu responsables, elle donnerait le jour à l’enfant qu’elle portait. Et Wordsworth de nouveau l’y suivit. Il écrivait encore de Blois le 3 septembre à son frère aîné en lui demandant d’urgence un envoi d’argent. Le lendemain il devait être de retour à Orléans, où il nous affirme s’être trouvé lors des massacres de septembre.

C’est en effet le matin du 4 septembre que Fournier l’Américain, à la tête de sa bande, et malgré les instructions de la Convention, emmena dans la direction de Versailles les prévenus qu’attendaient dans la prison d’Orléans l’arrêt de la Haute Cour. A Versailles, les septembriseurs venus à point nommé de Paris, les devaient tous égorger. Ce crime concerté, accompli de sang-froid, fit courir un frisson d’horreur dans la ville qui avait été témoin du départ des malheureux. Il laissa une haine inexpiable chez tous ceux qui n’étaient pas au nombre des énergumènes. Il est surprenant que Wordsworth n’y fasse aucune allusion ; il ne parle des massacres de septembre que comme d’une tragédie parisienne. La seule chose qu’il commémore de son second séjour à Orléans, soit dans ses Esquisses descriptives, soit dans son Prélude, c’est la proclamation de la République, à l’occasion de laquelle il fait éclater un véritable péan d’allégresse. Ses Esquisses nous le montrent se promenant à la source du Loiret, le 21 septembre, et voyant la rivière, ses rives, la terre entière, transformées par ce mot magique. C’en est fait de la royauté, de toutes les royautés. Le règne du bonheur et de la liberté commence pour les hommes.

Etranges alternatives d’enthousiasme et de dépression, alors que de ces extases il retombait à la pensée de la jeune fille près d’être mère. La put-il revoir à Orléans pendant les quelques semaines qu’il y passa ? Il devait quitter Orléans à la fin d’octobre pour aller à Paris où il restera environ deux mois. Sur les raisons de ces allées et venues rien ne nous renseigne. Il est certain qu’il s’attarde en France au delà du terme qu’il s’était fixé. Le 3 septembre, il annonçait encore à son frère aîné son retour à Londres pour le cours du mois d’octobre. Mais quel motif le