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Du point de vue de l’intérêt général, ce dernier projet réalise assurément le meilleur mode d’intervention et de garantie, puisqu’il tend à mettre en valeur les grandes richesses naturelles de la Russie, que celle-ci est incapable d’exploiter par ses propres moyens, et qu’il relève en même temps les affaires dans lesquelles des capitaux européens sont déjà engagés, et cela pour le plus grand bien du pays.

Mais si l’on se place au point de vue russe, on conçoit que ce passage, sans transition, du communisme intégral au régime des concessions en faveur de Compagnies étrangères ne peut s’opérer que par une brusque évolution, qui est le renversement même de tous les principes communistes. Aussi comprend-on la différence d’accueil que fait le Gouvernement soviétique au programme général de ravitaillement de M. Deutsch, qui offre à la Russie les matières premières et l’outillage dont elle a besoin pour rétablir sa vie économique, et prévoit en même temps le paiement avec des facilités de crédit. De même, pour l’Allemagne, dont le relèvement est essentiellement lié à la reprise de ses exportations, ce plan prépare le retour au régime du traité de 1904, sur lequel avait été fondé, en grande partie, son développement économique d’avant-guerre. Non seulement l’industrie, mais aussi le commerce allemands seraient ainsi appelés à poursuivre leur essor vers l’Est, dans la mesure où la Russie referait elle-même ses forces de production et son crédit.

Entre ces diverses combinaisons, qui peuvent avoir chacune, sous des aspects différents, leur efficacité, la Russie ne prendra parti définitivement contre aucune et déclarera s’incliner devant la dure loi de la nécessité. Ses dirigeants sont prêts à les accepter toutes, pourvu que la coopération internationale leur apporte les concours d’organisation et les capitaux qui sont la condition première de tout relèvement. Ainsi que l’a déclaré Radek, non sans ironie, « le principal but de la Conférence sera de déterminer l’importance des crédits, les organisations qui les fourniront et les conditions. Tout le reste n’est que vanité et diplomatie. » Et résolvant, par avance, la question des garanties, il ajoutait que le capitalisme qui a su s’adapter à la féodalité, puis la République démocratique, puis à la République oligarchique, s’adaptera également aux conditions existant actuellement en Russie, pourvu que ces dernières lui assurent des bénéfices suffisants.