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VI. — LA QUESTION RUSSE DEVANT LA CONFÉRENCE DE GÊNES

Lorsqu’à la lumière des travaux préparatoires à la Conférence de Gênes, on examine les plans qui sont mis en avant pour la reconstruction de la Russie, on observe une différence profonde entre les conceptions allemande et française au sujet des méthodes de coopération.

Pour la France, la reconnaissance des dettes d’Etat et autres dettes contractées avant ou pendant la guerre, la sauvegarde des capitaux engagés dans. l’industrie russe ou déposés dans les banques, sont les premiers articles de son programme ; c’est la pierre de touche qui permet d’apprécier le degré de confiance que mérite la Russie soviétique pour ses engagements nouveaux. Ce principe une fois admis, et sa mise en pratique étant entourée de toutes les garanties nécessaires, la France prendra sa part dans l’œuvre de la réorganisation russe.

L’Allemagne ne se place pas sur le même terrain et, bien qu’elle ait, comme nous, d’importants intérêts en Russie, notamment sous la forme de capitaux industriels ou de participations dans les affaires russes, elle ne fait pas de ses revendications l’article essentiel de son programme. Ce que l’Allemagne recherche par dessus tout, c’est l’entente avec le Gouvernement des Soviets qu’elle a depuis longtemps reconnu, sinon en droit, du moins en fait, et dont elle attend des avantages plus substantiels que le milliard de roubles d’avant-guerre. Le plan de M. Deutsch répond à cette pensée politique, en se présentant sous l’aspect très séduisant pour la Russie d’une vaste entreprise de ravitaillement international.

A cette conception allemande on peut opposer une autre combinaison qui exprime une conception française que nous devons nous efforcer de faire prévaloir. Il s’agirait de former des Compagnies spéciales pour remettre tout d’abord en état de pleine production certains groupes d’industries, tels que les pétroles, les mines ou les chemins de fer, en tenant surtout compte des possibilités d’exécution rapide. Ces Compagnies recevraient des concessions à long terme, sous réserve de redevances payées à l’État, et obtiendraient un statut légal pour être prémunies contre toutes les vicissitudes que peut subir, en Russie, le droit de propriété.