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nos adversaires, — s’accordent à reconnaître que l’Allemagne ne pourra faire face à ses obligations que par un accroissement considérable de ses exportations, solution qu’admettraient difficilement les autres nations. Etant donnée la crise mondiale des débouchés, chaque Etat doit s’attacher à protéger ses propres marchés contre l’invasion des concurrents, et nous voyons se dessiner, en Angleterre et en Amérique, un mouvement qui tend à l’exclusion complète des produits étrangers, mouvement spécialement dirigé contre une augmentation des importations allemandes à la faveur de la dépréciation de notre change, c’est-à-dire contre le danger du dumping.

« Or, la reconstitution de l’économie russe ouvrirait à l’Allemagne un marché d’où elle n’expulserait pas de concurrents, puisque ces concurrents n’existent pas à l’heure actuelle. Elle permettrait à l’industrie allemande de développer largement sa puissance de production, sans léser les exportations des autres pays. Il ne serait pas nécessaire pour cela de conférer à l’Allemagne un monopole ou un privilège sur ce marché ; bien au contraire, le monde entier devrait travailler avec elle pour couvrir, dans le délai le plus rapide, les besoins qu’implique la reconstitution. Il ne s’agit pas, en effet, de besoins courants, analogues à ceux auxquels la Russie satisfaisait, avant la guerre, par ses importations, mais d’une nouvelle mise en valeur de territoires immenses, d’une tâche telle que l’histoire du monde n’en a pas encore connu de si ample et de si urgente. »

Le plan exposé par M. von Braun ne manque pas de grandeur et de séduction pour ceux qui, faisant abstraction du passé et limitant leurs prévisions pour l’avenir, considéreraient la question russe comme étant simplement d’ordre économique. Que l’Allemagne soit mieux placée que tout autre peuple, en raison de sa proximité de la Russie, de sa connaissance complète des besoins de celle-ci, de son organisation commerciale et industrielle, de son adaptation au milieu russe, pour coopérer, en première place, à l’œuvre de reconstruction, c’est ce que nul ne conteste ; mais ici apparaît le péril germanique en Russie, que nous avons le devoir d’envisager dans toutes ses conséquences. Utiliser, en première ligne, les forces allemandes pour la tâche immédiate qui s’impose, est une question de fait et de nécessité. Seulement, il faut agir suivant un programme qui ne laisse pas