Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/614

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tirerait certainement les meilleurs fruits. On se souvient que c’est la Pologne qui devait faire les frais de cette politique, et c’est ce qui permet de comprendre l’attitude du Premier Ministre anglais dans la question de la Haute-Silésie, pour laquelle il a pesé de tout son poids en faveur de la revendication allemande.

Cette histoire-là n’est pas encore écrite et ce n’est pas sur des suppositions, quelle que soit leur vraisemblance, que nous pouvons nous appuyer en vue de parler avec certitude d’une entente anglo-allemande pour la Russie. Conjonction d’intérêts, c’est possible, mais de là au pacte, il y a loin. Nous croyons l’Allemagne trop habile pour avoir donné à l’Angleterre des gages qui pourraient aliéner sa liberté d’action dans l’avenir.

Donc, sans nous attarder à d’aussi hautes considérations, le grand fait dont nous devons cependant tenir compte, c’est qu’il y a aujourd’hui, dans les milieux internationaux, un fort courant en faveur d’une intervention efficace de l’Allemagne pour la solution du problème russe. Il y a là un mot d’ordre que reçoivent tous les hommes d’affaires qui se rendent à Berlin, en vue de se renseigner sur les possibilités de relèvement de la Russie : l’Allemagne seule est capable de réaliser l’œuvre de réorganisation, parce qu’elle a un plan méthodique de travail, alors que tous les autres pays, y compris l’Angleterre et les Etats-Unis, ne peuvent que s’improviser dans ce rôle. Quant à la France, on considère que la réparation de ses régions dévastées doit absorber le meilleur de son activité. C’est là, du moins, l’opinion que l’Allemagne s’efforce d’accréditer. « Comprendre la France dans une organisation d’ensemble en vue d’attirer le capital français est une conception absurde, car les Français avouent eux-mêmes que, sans le paiement des réparations, ils ne sont pas en mesure de rétablir leurs propres finances [1]. »

Ce courant d’opinion, soigneusement entretenu par la propagande allemande, prépare les voies pour une action plus efficace, lors de la Conférence de Gênes. Déjà, au cours des réunions tenues à Londres pour la formation d’un consortium international, le communiqué de la presse disait : « Les Allemands ont pris une part très active aux travaux de la Conférence, et ils ont témoigné d’une connaissance parfaitement approfondie des questions traitées. »

  1. Déclaration de M. K. G. Müller, membre de l’Office Central des Chemins de fer allemands.