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échanges du commerce extérieur, mais la suivre aussi dans ses autres manifestations, au point de vue de l’exportation des hommes et des capitaux. C’est ce que l’on a pu appeler, à juste titre : la colonisation allemande en Russie.

Suivant les statistiques les plus récentes, le montant des intérêts allemands en Russie représente une valeur d’avant guerre d’environ un milliard de roubles-or, soit 2 milliards 600 millions de francs. Dans cet actif, ce sont les titres des Compagnies de chemins de fer privés qui forment la plus grande part, soit 1 milliard 100 millions de francs, puis les industries électriques, les mines, la métallurgie 500 millions de francs, et les banques 250 millions de francs.

Si l’on rapproche le montant des intérêts allemands en Russie, du chiffre beaucoup plus considérable de la participation française, soit environ 12 milliards de francs, rien qu’en fonds d’Etat, emprunts garantis ou municipaux, on peut s’étonner que la France, principal créancier de la Russie, n’ait eu que des rapports aussi lointains avec son débiteur, au point de vue des échanges commerciaux. Nos exportations vers ce pays représentaient à peine une valeur de 150 millions de francs en 1913, tandis que celles de l’Allemagne dépassaient 1 700 millions de francs. Cette énorme différence ne peut pas s’expliquer uniquement par l’éloignement de la France et la proximité allemande de la Russie. Il faut aussi faire entrer en ligne de compte la puissance de pénétration de l’Allemagne par ses hommes et par ses capitaux, suivant un plan d’ensemble que venait renforcer, au besoin, l’action diplomatique pour la conquête du marché russe [1].

Les Allemands avaient su organiser en Russie tout un système de bureaux, d’agences et de maisons de commerce dirigées par des chefs expérimentés ; ils y envoyaient, avant la guerre, des légions de voyageurs de commerce circulant avec leurs échantillons jusque dans les régions les plus reculées de l’Empire et distribuant des millions d’exemplaires de brochures, de catalogues et de prospectus en langue russe, avec des poids, des mesures, des prix calculés suivant les usages du pays.

Ces prix étaient établis franco à domicile et l’acheteur russe n’avait pas besoin de rechercher la valeur des frais de transport

  1. L’Allemagne payait annuellement, avant la guerre, sous des formes diverses, 50 millions de marks de primes à l’exportation.