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il a utilisé tous les moyens dont il disposait pour consolider cette barrière polonaise encore fragile et la dresser contre cette nouvelle invasion. M. Poincaré n’a pas soutenu une politique différente, depuis qu’il a repris, en un moment particulièrement difficile, les lourdes responsabilités du pouvoir. Il nous suffira de rappeler les appréhensions qu’il a manifestées, dès la première heure, au sujet de la Conférence de Gênes, à laquelle l’Allemagne et la Russie entreront par la même porte, et avec le même dessein de mettre en discussion le Traité de Versailles.

Restant sur le terrain des faits et nous limitant à l’examen du problème russe, nous croyons qu’il peut être utiles de rechercher quel est le plan allemand dans cette lutte qui va s’engager, sous les apparences d’une coopération. Ce plan, nous en trouverons les éléments dans un passé assez proche, qui s’impose d’autant plus à notre attention que nous savons la continuité des vues de la politique allemande dans tous les domaines, même à travers les évolutions des formes gouvernementales. Nous espérons faciliter ainsi la compréhension de certains événements présents et la prévision d’un danger pour l’avenir.


Comme préface nécessaire à toute étude sur les rapports économiques russo-allemands, il convient de rappeler par quelques chiffres ce qu’était l’Empire russe avant la guerre, c’est-à-dire en 1913, au point de vue du commerce extérieur, et quel a été son rôle sur le marché du monde, comme grand pays de consommation et de production. Il s’en dégagera immédiatement cette conclusion, qu’en effet, on ne peut concevoir une reconstruction de l’Europe sans la Russie, dont le volume des échanges avec l’étranger représentait plus de 7 milliards de francs aux prix anciens. Dans ce montant, la part allemande était la plus importante, soit près de 3 milliards de francs, alors que celle de la Grande-Bretagne n’atteignait que 1 100 millions et celle de la France moins de 500 millions de francs.

Aucun rapprochement n’est possible entre ces chiffres et ceux de 1921, puisqu’il n’y a plus de commune mesure, en raison de l’effondrement du rouble. Tout ce que l’on peut dire, très approximativement, c’est que, pour l’année 1921, les exportations de la Russie ont été à peine de 200 000 tonnes, tandis que ses importations’ ont porté sur environ 900 000 tonnes, en produits de ravitaillement, dont 31 pour 100 concernent ses achats