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Mais je m’étends comme une inondation du Rhône. Adieu, mon cher maître, merci encore, mes amitiés à Henri et croyez-moi toujours

Votre respectueusement dévoué.


A Henri de Pontmartin


31 décembre 1884.

Mon cher ami,

Si j’étais vindicatif moi aussi, j’écrirais sur des petites cartes. Veuillez remarquer que j’y aurais mille fois plus de droits, car que faire aux Angles à moins que l’on n’écrive ? Tandis que je suis l’un des hommes les plus occupés de Paris où il y en a beaucoup. Je ne me souviens pas d’un mois dans ma vie aussi écrasé de travail. Je ne suis pas sorti de mon cabinet depuis fin novembre. Je viens de terminer, il y a deux heures, pour cette redoutable échéance du 31 décembre, un article à faire rompre le pont d’Avignon, qui exigeait, — l’article, pas le pont, — la lecture de quatorze volumes. Mais il s’agit de lancer un nouveau romancier russe, le troisième de la grande trilogie : Tourguenef, Tolstoï, Dostoïewsky. C’est un homme énorme ; je ne crois pas qu’il ait ici le succès général de Tolstoï, mais il a déjà trouvé des fanatiques. Taine me disait ces jours-ci que MM. Zola, Daudet, de Goncourt et consorts ne sont pas dignes de dénouer les cordons des souliers de cet homme-là. Vous verrez ça le 15 janvier. Avant de l’écrire, j’ai dû le parler dans une conférence à la Société historique du cercle Saint-Simon. C’était la première fois de ma vie que je parlais en public ; j’ai eu une peur affreuse ; je déclare que je préfère prendre de l’huile de ricin ; mais enfin je m’en suis tiré et mon auditoire s’est dit satisfait...


19 mars 1885.

Mon cher ami,

Oui, je suis coupable, je me le dis chaque jour, et selon l’usage, je me prolonge dans mon péché en le maudissant. Mais si vous saviez comme je suis pris, écrasé de besogne et cela avec une difficulté croissante à dévider le fil d’une pensée sur du papier de copie ! Jugez-en. J’achève la préparation d’un gros volume sur la littérature russe, ce qui vous explique mon absence momentanée de la Revue. D’autre part, les sangsues des Débats : la révision pour cette feuille d’une traduction de