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C’est bien possible, ma mémoire n’est pas précisément ordonnée. Je sais seulement qu’il y a fort longtemps que je n’ai eu de vos nouvelles. Quant à moi, j’ai l’excuse d’être plus occupé, plus père de famille et plus Parisien que vous. Vous demanderez à quoi je suis occupé, puisque la Revue est muette ; mais vous n’aurez rien échappé pour attendre : les épreuves se sont accumulées et je vais faire coup double. Vous lirez le 16 un article sur l’Exposition des Portraits historiques du siècle aux Beaux-Arts que je viens de bâcler à la vapeur, les intérêts de la charité exigeant que cette petite réclame à l’œuvre des Asiles de Nuit parût le 15. Ce qu’il y aura de plus saillant là-dedans, c’est une citation du vieux Mélomane : c’est lui qui aurait dû faire cet article sur tous les revenants exposés au quai Malaquais.

Nous sommes très contents ici des articles du Duc d’Aumale ; c’est une fière langue, dans sa coquetterie voulue de sévérité militaire, c’est écrit avec une épée du temps de Louis XIII. Nous sommes moins contents de la prose de Goritz : l’idée d’aller planter son drapeau dans les bureaux de l’Univers était déjà discutable, mais surtout il y a un malheureux paragraphe qui fait reperdre tout le terrain gagné depuis dix ans et exaspère les orléanistes. Encore un qui fait comme M. Belon ! Pourquoi sa noble famille lui a-t-elle appris à écrire ? Votre père dirait, malgré sa foi légitimiste, que les lettres de Goritz ne sont pas affranchies de préjugés.

Je n’ai rien de bien intéressant dans mon sac. La réception académique de M. d’Autun [1] a été, quoi qu’en disent les feuilles bien pensantes, assez terne ; en ma qualité d’ex-diplomate, j’eusse préféré entendre son prédécesseur Talleyrand. J’avoue d’ailleurs qu’il était assez difficile à un évêque de parler de la Curée et surtout difficile de parler de 1830 entre M. de Falloux et M. de Broglie. Rousset a épanché ses griefs trop légitimes ; en somme, on a dit beaucoup de bien du bon Dieu et beaucoup de mal du gouvernement.

Ne viendrez-vous donc jamais à Paris revoir la Maréchale de Villars, qui étale ses grâces rajeunies et revernies derrière mon dos ? Etrange destinée des choses ! ces vieux portraits regardent à nouveau par ma fenêtre, après cent quatre-vingts ans,

  1. Le cardinal Perraud, évêque d’Autun.