Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/550

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme un des siens. Il n’est pas une tribu qui ne le respecte, pas une famille dont il ne connaisse les chefs, les aventures, les querelles ; sa patience, sa finesse les a conquis.

Il a conquis les hommes, il a conquis les enfants : les deux neveux de Moussa ag Amastane, Quétou et Bèta, l’aimaient comme un père. Ce séducteur a conquis même les femmes touareg. L’anecdote est curieuse et amusante. Moussa ag Amastane ne fut pas toujours le chef incontesté et obéi de ses Hoggars ; à plusieurs reprises, un certain nombre d’entre eux se séparèrent de lui pour reprendre contre nous la lutte, nous harceler de leurs rezzous, et piller les territoires où les indigènes s’étaient soumis. Leurs bandes installaient hors de notre portée leurs campements, asiles de leurs familles, d’où ils s’élançaient eux-mêmes vers le combat et vers la razzia. Une certaine Dacine, cousine de Moussa, avait suivi la fortune de son mari, mais à contre-cœur ; à peine se fut-il éloigné avec son groupe de pillards que, rassemblant toutes les femmes et tous les enfants de la bande, elle reprit le chemin du Hoggar ; à peine y parvint-elle qu’elle écrivit à son cousin Moussa pour lui demander l’aman et mettre sous sa garde la cohue de ses protégés ; elle lui affirmait que cette cohue ne constituait qu’une avant-garde et que, sans nul doute. Moussa verrait bientôt arriver, après les femmes, les maris. Cette psychologue touareg ne s’était pas trompée ; ses prévisions reçurent leur confirmation en juin 1918 ; les dissidents rentraient au Hoggar et, par l’intermédiaire de Moussa, juraient au général Laperrine une éternelle fidélité : leur fidélité conjugale pouvait constituer un sûr garant.

Ainsi, en février 1917, si la situation au Sahara est inquiétante, angoissante, qui ne se sentirait rasséréné et plein d’espoir quand il sait quel est l’homme qui va se mesurer avec elle ?


JOSE GERMAIN.

STEPHANE FAYE.