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condamnés européens ayant droit à des rations bien plus élevées que nos Sahariens même français. Je refusai ; on dut dire, en haut lieu, que je ne savais pas ce que je voulais. » Voilà le pince-sans-rire.

Le tort de certains chefs, c’est de vouloir « diriger de leur cabinet. » Lui, qui n’hésite jamais à se déplacer et à aller voir de ses propres yeux, il le signale aussi chez ses subordonnés. « Certains chefs ont cru pouvoir diriger les détails d’opérations sahariennes de leur cabinet ; et combiner étroitement la coopération de groupes épars sur des centaines de kilomètres. Ils auraient dû se rendre compte que ce système, pas fameux ailleurs, est impossible au Sahara parce que la majorité des intéressés se trouvent à soixante ou cent, parfois à deux cents kilomètres du plus rapproché des postes de la T. S. F. Ils n’ont réussi qu’à enrayer l’initiative de leurs subordonnés et les résultats ont été déplorables. » Une action directe et personnelle, voilà ce que le général attend de ses officiers quand les circonstances le permettent. « Tantôt, je laissai une très grande initiative au commandant du territoire, tantôt, je me substituai presque à lui et donnai des ordres directs aux groupes de police et aux tribus parce que j’étais sur place. » Etre sur place, être renseigné, ne pas agir d’après les autres, ne pas se porter garant de leur parole, ce sont là pour lui des nécessités ; quiconque ne s’y plie pas s’expose à des erreurs et à des inquiétudes. « Les conflits d’autrefois étaient graves, quoique sans grande importance, parce que, sous le couvert des deux gouverneurs généraux, les chefs, à chaque échelon de la voie hiérarchique, se croyaient obligés d’appuyer le point de vue de leur subordonné sans connaître à fond la question. »

L’initiative doit donc appartenir au gradé qui connaît la question à fond et qui se trouve en mesure d’agir par lui-même. « Dès qu’il y a initiative, la situation se rétablit. » Au contraire, s’il y a abus d’ordres de détail, si surtout ces ordres revêtent la forme impérative, l’initiative est gênée, enrayée, annihilée pour le plus grand dommage du service.

Mais, pour laisser une telle initiative, que le général Laperrine admet très large, aux chefs qui dépendent de lui, il faut leur faire confiance. Il leur accorde donc sa confiance sans arrière-pensée, pleinement. Car il les connaît et il n’aurait pas accepté le jugement que porte sur eux Pierre Benoit. « On n’est