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grand ami le Révérend Père de Foucauld, à travers des tas d’anecdotes militaires, à travers des tas d’histoires intimes sur les membres de la famille royale d’Italie, que lui a contées son frère l’évêque, attaché au Vatican, lorsque le général a séjourné à Rome auprès de lui. Mais, si la conversation vient à tourner vers des sujets sérieux, on admire sa compétence ; il est informé de tout ; il a questionné tous ceux dont il pouvait tirer une instruction, un enseignement, conducteurs d’autos, soldats affectés à la T. S. F., indigènes auxquels le Sahara est familier ; il connaît tout à fond, les distances, la route à suivre. « Il est le chef le plus bienveillant, le compagnon de route le plus gai, le conteur le plus captivant et le savant le plus érudit sur tout ce Sahara que nous avons parcouru ensemble. »

Grand travailleur, le général Laperrine entend qu’on ne se mette pas en travers de ses idées. Sinon, dans son bureau comme en tournée, il s’emporte. Ses colères sont fréquentes ; elles sont violentes ; elles deviennent de véritables rages quand il reçoit d’Alger, et principalement du 19e corps, des instructions rédigées par des officiers qui ignorent tout du Sahara. C’est alors un déluge d’imprécations. La table du général résonne des coups de poing qu’il lui administre ; les papiers déchirés s’envolent aux quatre coins du bureau ou de la tente. Pourquoi donc a-t-on sottement ou jalousement mis hors de lui ce convaincu, ce sincère, cet apôtre ? Son vrai fond, c’est la douceur, c’est la bonté ; ses indigènes le murmurent, ses « enfants » le proclament, ses subordonnés s’en portent garants.

Au reste, pour mieux fixer les traits de son caractère, pour pénétrer dans les replis les plus secrets de son âme, regardons-le agir, écoutons-le parler.

Le général dépend de bureaux qui, souvent, ne le comprennent pas, ne le soutiennent pas, ne le suivent pas. Il doit insister, persuader, convaincre. Quelquefois même, il faut lutter ; il accepte la bataille. Il écrit : « Je lutte de mon mieux. » La lutte n’est pas toujours couronnée de succès. « Un jour où je me plaignais du manque de bras, on m’offrit deux cents travaux publics avec cinquante tirailleurs pour les garder. J’arrivais avec peine à ravitailler les cinq Européens et les trente méharistes de Fort-Motylinski ; on parlait même de faire évacuer ce poste à cause de ces difficultés ; et l’on m’offrait deux cent cinquante bouches à nourrir, soldats réguliers et