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qu’on adore ici, la garnison est rangée en bataille, les petits 65 de montagne tonnent, la nouba joue aux champs, les caïds avec leurs burnous rouges à franges d’or sont massés devant un grouillement de petits enfants nus qui crient sur un rythme bizarre : « Mon ginirar... Mon ginirar... »

Simple de tenue, simple d’allures, actif, remuant, infatigable, sympathique, populaire, tel nous apparaît, d’après ce récit, le général Laperrine.

Le voici dans son costume d’officier supérieur, le pouce passé dans l’entournure du dolman, le képi posé légèrement de travers ; le corps flotte, très maigre dans les vêtements amples. Le nez, mince, est très long et très arqué, les oreilles grandes. Une barbe en pointe, onduleuse et frisottante, encadre le visage que barrent de longues et fines moustaches relevées. Les yeux sont vifs, oserons-nous dire qu’on y lit à la fois de la bonté et de la malice ? L’ensemble attire et séduit.

Les tenues sahariennes du général n’ont rien de réglementaire. Coiffé du casque colonial, il apparaît vêtu de cette longue chemise qu’est une gandourah et du sarouel que portent comme pantalon les méharistes, les pieds nus enfoncés dans des sandales touareg. Il ne veut pas qu’on le distingue ; il se mêle familièrement à tous, ne se préoccupent pas du rang, sans affectation comme sans laisser-aller. « Participe-t-il à un convoi automobile ? Il aide les conducteurs à gonfler les pneus ; il prend la garde comme sentinelle entre deux heures et quatre heures et dit : « Quand on est vieux, on ne dort plus » . Il n’a pourtant que cinquante-huit ans. » A In-Salah, lorsqu’il sort, une nuée d’enfants l’entoure ; il organise entre eux des courses à pied ; il s’amuse à les voir s’exercer à des exercices acrobatiques ; pour les récompenser, il procède à une large distribution de sous. Ces enfants, il les aime. A In-Salah et en Hoggar, on l’appelle « le général des enfants. » S’attachant la sympathie des enfants, il semait le bon grain pour l’avenir.

A la popote, il exige que la gaité règne ; lui-même en donne l’exemple. C’est un convive très fin, très spirituel. Il « blague » doucement les travers d’un tel ou d’un tel ; il raconte des histoires très salées dans un langage très cru ; s’il se laisse emporter par sa verve, — il est méridional, de Castelnaudary, — ses souvenirs bouillonnent, si tumultueux qu’ils amènent à la surface même les aventures de jeunesse de son