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possède plus aucune monture. En décembre, comme il est impossible de trouver dans le pays des animaux de bat, Fort-Polignac ne pourra plus être ravitaillé ; le scorbut y sévit ; il faut évacuer le poste, se replier sur Aïn-el-Hadjad, où se fixent une centaine d’hommes, le reste gagnant Fort-Flatters. Le dernier mot reste aux rebelles à fin décembre 1916.

Il n’a pas attendu jusque-là pour intensifier et élargir son action. Le Hoggar, déjà troublé par de nombreux et audacieux rezzous venant du Sud marocain, est agité par la propagande senoussiste, particulièrement efficace en Aïr : les Aoulliminden enlèvent le poste soudanais de Monaka en mai 1916. Ils sont durement châtiés par nos Sahariens assistés de notre fidèle Moussa ag Amastane. Mais, puisque Moussa s’oppose à leurs desseins, les Senoussistes publient à grand bruit qu’ils attaqueront Fort-Motylinski. En septembre, les menaces s’enflent tellement que les Sahariens, abandonnant le terrain de leur victoire, accomplissent un raid de six cents kilomètres pour rallier ce poste ; elles s’enflent tellement que Moussa ne retient qu’à grand peine ses Hoggars qui, frémissants, se rapprochent de l’Est où brûlent les foyers de rébellion. Par bonheur, cette fois, ils se consument sans avoir propagé l’incendie. Mais le feu couve ; des Tripolitains accourent pour l’attiser. Dans la nuit du 1er au 2 décembre, le Père de Foucauld est assassiné à Tamanrasset. Motylinski va-t-il être attaqué ? Le 17 décembre, un petit détachement du poste refoule les agresseurs à l’Est. Son trop faible effectif ne lui permet pas de les poursuivre. Tous nos groupes sont arrivés à l’extrême limite de leurs forces ; depuis quatre mois, celui du Hoggar a parcouru plus de deux mille kilomètres à travers le Tanezrouft que Pierre Benoît appelle « la contrée de la soif et de la faim. »

Au seuil de 1917, la situation est critique. « Les Touareg se sont révélés de sérieux adversaires. Bien armés, bien approvisionnés en munitions, d’une incontestable bravoure, opérant dans une région montagneuse difficile dont ils connaissent tous les sentiers, passionnés d’indépendance, avides de butin, grisés de leurs succès, ils sont devenus plus audacieux et plus redoutables que jamais. » Toutes les tribus ajjers sont soulevées ; les tribus du Hoggar sont sur le point de faire défection ; la mehalla de Kaoussen bloque Agadès. Les équipages de nos colonnes sont ruinés, les postes isolés, dépourvus de tout approvisionnement ;