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petite oasis de Djanet et d’où, invisible, elle tire à bout portant sur nos Sahariens. Au bout de trois jours, la colonne de secours est obligée de battre en retraite. Les rebelles s’enorgueillissent d’une double victoire. Au moment où ils la célèbrent, leur chef les alerte. La maréchal des logis Lapierre, ayant appris qu’on est venu à son secours, est accouru à la rescousse ; mais il est arrivé trop tard. L’ennemi, enivré de ses succès, brise son attaque, le rejette, s’acharne à sa poursuite, et le capture le 27 mars, après une chasse de cent cinquante kilomètres. La victoire de la harka est une triple victoire.

Nous ne pouvions accepter une telle humiliation. Une colonne de huit cents méharistes de la compagnie du Tidikelt, des goumiers de Gardhaïa et d’Ouargla, avec deux canons et quatre mitrailleuses sous les ordres du commandant Meynier, arrive le 11 mai aux abords de Djanet, monte à l’assaut des positions retranchées dont son effort ne suffit point à la rendre maîtresse, mais, le 16, après trente heures d’un combat méthodique et acharné, met l’ennemi en déroute, sans toutefois pouvoir lui ravir tout son armement, sans pouvoir le poursuivre plus loin que l’oasis de Rât, où il s’est fortifié. La colonne s’installe dans les oasis voisines ; mais, derrière elle les tribus soumises Ajjer sont en rébellion ouverte et harcèlent les convois de ravitaillement ; comment pourrait-elle négocier avec l’ennemi ou le réduire ? L’ennemi voit ses troupes grossir ; son activité combative renaît ; il attend le chef senoussiste Kaoussen, qui a vaincu les Italiens et qui lui a déjà délégué un de ses lieutenants. Un détachement de la colonne châtie un groupe d’insurgés ; mais, après cet effort, la colonne tout entière se replie sur Fort-Polignac, entourée d’ennemis, privée de ravitaillement, accomplissant à pied les étapes que ne peuvent plus accomplir les meharas exténués, affamés, à bout de résistance. Cent hommes restent à Fort-Polignac, le gros rentre se réorganiser à Fort-Flatters, la liaison entre les deux postes étant assurée par un groupe mobile. Mais les Senoussistes et les Touareg dissidents se montrent hardis et infatigables. Le groupe de liaison, assailli par eux, ne les repousse qu’au prix de dures pertes ; les convois de ravitaillement n’arrivent pas toujours à leur échapper complètement ; la garnison de Fort-Polignac voit les rebelles venir tirer des coups de fusil jusque sous les murs du bordj : ne sont-ils pas assurés de l’impunité ? La garnison ne