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marche de sa troupe. Il est arrivé que quelques-uns de ces gradés qui voulaient se fier à leur carte, se sont refusés à écouter ou n’ont pas compris les conseils de leurs guides ou des indigènes composant leur détachement ; il en est résulté des conséquences fâcheuses. » Le mal était grand, il s’aggravait encore. « De là, le manque de confiance des subordonnés. Il était nécessaire, dans ces régions plus que partout ailleurs, avec une troupe peu disciplinée comme l’étaient alors les Sahariens, qu’on eût confiance entière les uns aux autres. » Comme le colonel Laperrine connaissait bien ses Sahariens ! Comme il avait su se les conquérir et se les attacher ! La confiance, tel est le gage de la cohésion et du succès. Enfin, la dernière cause du découragement de nos soldats indigènes était une cause matérielle ; elle apparaîtra bien mesquine ; au contraire, quand l’intérêt est en jeu, les petites causes prennent plus d’importance que les grandes. « Auparavant, lorsqu’un détachement opérait une razzia, une partie du produit de la prise était répartie entre les hommes qui avaient participé à l’affaire. Cette manière de procéder avait été supprimée. Cette suppression avait beaucoup contribué au découragement des indigènes. »

Ainsi, du côté de nos troupes sahariennes, pénurie d’armement, de ravitaillement, de montures, d’hommes et démoralisation partielle ; du côté des rebelles, audace grandissante, moyens supérieurs à tous ceux dont ils avaient été jusque-là pourvus, espoirs décuplés par la propagande religieuse et par l’aide que fournissent nos ennemis européens.

Les rebelles prennent l’offensive. Une harka, rassemblée à Rât par l’ancien suzerain de Djanet, notre irréductible adversaire, et composée de Tripolitains et de Touareg dissidents, vient sous le commandement d’un chef senoussiste, assiéger notre poste de Djanet, à Fort-Charlet. Elle est armée de fusils italiens à tir rapide, pourvue de canons et de mitrailleuses, abondamment approvisionnée en munitions. Pendant dix-huit jours la petite garnison, galvanisée par le maréchal des logis Lapierre, rend coup pour coup, avec ses quarante-six hommes, aux quatre cents guerriers qui l’assaillent. Le 24 mars, à bout de munitions, à peine ravitaillée en eau, elle force de nuit le blocus et gagne la montagne. Une colonne du Tidikelt accourt pour reprendre le fort. Elle se bute à la harka ennemie, embusquée dans les montagnes rocheuses entre lesquelles se trouve encaissée la