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sentait pas que l’heure fût venue de son éclosion. Seuls les razzieurs marocains de la région Sud-Ouest témoignaient d’une audacieuse activité inlassée et exigeaient la vigilance de nos postes fixes et du détachement de Fort-Molylinski. Il semblait qu’à l’Est la razzia eût vécu après l’occupation par les Italiens de Ghadamès, de -Mourzouk et de Rât. Les occupants s’y jugeaient en sécurité ; nos officiers, mieux renseignés, sentaient que le sol était mouvant ; ils avaient tous, lieutenant-colonel Meynier, colonel Dinaux, commandant Sigonney, capitaines et lieutenants sahariens, la précieuse qualité que leur avait léguée le colonel Laperrine, « la rare compréhension, » « l’intuition » « des réalités au Sahara. » Des tribus se montraient impatientes du joug italien ; les ardents Senoussistes, les plus fanatiques parmi les sectes musulmanes qu’ils essayaient d’agglutiner autour d’eux, prétendaient profiter des embarras de la France ; ils annoncèrent l’entrée en scène d’un nouveau Mahdi.

A peine la majeure partie de la compagnie du Tidikelt et les goumiers d’Ouargla et d’El-Oued parvenaient-ils en décembre 1914 sur les confins lybiens, qu’ils étaient chargés de surveiller, qu’ils y apprenaient l’insurrection du Fezzan, le massacre des garnisons italiennes de Mourzouk et d’Oubari et la fuite précipitée de la garnison de Rât et d’une petite colonne de deux cent cinquante hommes vers nos territoires. Ils accueillirent ces soldats cédant devant une attaque si impétueuse qu’ils avaient dû abandonner aux rebelles, canons, mitrailleuses, fusils à tir rapide et munitions, et les dirigèrent vers Fort-Polignac. Pour eux, ils restèrent face à l’ennemi qui, intimidé, abandonna la poursuite.

C’est qu’il préférait consacrer son activité à chasser de Tripolitaine les Italiens qui, en janvier 1915, ayant jugé nécessaire d’évacuer le pays, n’en gardèrent plus que la côte. Les Senoussistes le parcoururent en maîtres, y organisèrent la propagande religieuse, apparurent capables d’y constituer un royaume indépendant. Leur audace s’accrut ; nos postes du Sud-Tunisien, plusieurs fois, eurent à résister à leurs coups de main. Il fallait en finir avec cette menace. Un détachement de la compagnie du Tidikelt, se joignant au détachement de Fort-Motylinski, qu’on avait dû appeler, infligea aux Senoussistes la rude leçon qu’ils méritaient, à Oum-Souigh, entre le 2 et le 9 octobre 1913. La leçon restait pourtant insuffisante : les agents