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d’inspection, il fit dévier son itinéraire vers Tin-Zaonten, où on lui avait signalé la présence de Moussa, mais quand il y parvint le 24 avril 1904, Moussa avait quitté le pays depuis plus d’un mois ; Moussa se dérobait ; il expédiait courriers sur courriers, s’excusant, accumulant les prétextes spécieux ; mais il ne vint pas. Le commandant Laperrine dut se résigner à ne point recevoir sa visite et son hommage. « Le commandant militaire attribuait cette réserve à la grande dispersion des Ahaggar, qui empêchait Moussa, orgueilleux et très fier, de se présenter avec une escorte imposante et digne de lui ; il la mettait aussi sur le compte de la santé de Moussa, qui, dans ses lettres, signalait qu’il était très malade et dans l’impossibilité absolue de supporter les fatigues d’une route. Le commandant militaire ne prit pas ombrage de cette petite incorrection, car elle était atténuée par l’attitude respectueuse et craintive de tous les Touareg rencontrés et des envoyés de Moussa en particulier. » Combien de chefs eussent montré une telle longanimité ? Combien eussent usé de rigueur vis-à-vis de Moussai Le commandant Laperrine sut se contenir et temporiser ; le temps, disent les Italiens, est un galant homme ; le commandant l’était avec ceux vis-à-vis desquels il lui était utile ou il lui plaisait de l’être.

D’ailleurs, le commandant Laperrine caressait un projet dont l’exécution amènerait à la fin les derniers insoumis à résipiscence. Ce Sahara, à peu près aussi étendu que l’Europe, il avait conçu l’idée, autant que faire se pouvait, de l’entourer d’un réseau à mailles si serrées que, las de s’y débattre, ses habitants finiraient par solliciter d’en être affranchis. Le commandant voyait loin et voyait grand. Il s’agissait de coordonner les efforts de toutes les troupes de nos colonies qui bordaient le désert saharien, de façon à ce que, rejetées de l’une sur l’autre, harcelées, vouées aux contre-attaques et aux représailles, les tribus dissidentes fussent contraintes à déposer les armes et a solliciter l’aman. Dès sa prise de commandement, il le tenta. Il n’y devait parvenir définitivement que lorsque, pendant la Grande Guerre, il fut rappelé du front de France sur le front saharien, parce qu’on avait compris qu’il était à ce moment la personnalité qui s’imposait et qui avait droit à ce que s’imposât une de ses idées directrices.

Elle pouvait s’exprimer en quelques mots : la mesure indispensable à la soumission du Sahara était la communauté d’action