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assoiffés d’indépendance, il en laisserait l’illusion ; ils seraient indépendants et maîtres d’eux-mêmes, à nos côtés, pourvu qu’ils fussent les loyaux amis de la France.

Mais pour y parvenir, que de doigté, que de tact, que de diplomatie il fallut apporter dans les négociations ! Le récit des manœuvres employées pour rallier à notre cause l’instigateur du parti de la paix, le chef des « Jeunes Touareg » Houssa ag Amastane, en fournira un exemple typique. Les avances de Moussa étaient fréquentes, mais sans franchise ; pourtant, au commencement de 1903, une députation de Touareg vint à In-Salah apporter les protestations de dévouement de Moussa. Sur la proposition du capitaine Cauvet, le commandant Laperrine éleva Moussa au rang d’Amenonkal officiel des Touareg Ahaggar en remplacement d’Attici, instigateur du massacre de la mission Flatters, et notre ennemi irréductible. Mais les Touareg restaient méfiants ; allait-on s’armer de patience et attendre ou redoubler d’ingéniosité et les attirer ? Le commandant Laperrine résolut de donner d’abord l’impression de notre force ; une colonne partie d’In-Salah, sous les ordres du lieutenant Besset, poursuivit et repoussa jusqu’au cinquième degré de longitude Est, au plus fort de l’été de 1903, les Touareg Ajjer qui avaient razzié des nomades et attaqué et pillé une caravane venant d’InSalah. Les Touareg, effrayés de l’apparition des troupes françaises dans les territoires qu’ils avaient jusque-là parcourus impunément, prièrent Moussa ag Amastane de s’entremettre auprès du commandant en leur faveur et de déclarer qu’ils n’avaient point participé aux rezzous dont on leur imputait la responsabilité. Le moment était venu de sonder à nouveau Moussa ag Amastane. Mais il se tenait coi. Sa grandeur allait-elle longtemps encore l’attacher au rivage ? Ce rivage, le commandant Laperrine allait-il essayer d’y aborder ? Il s’y décida, mais par personne interposée.

Le Caïd El Hadj Ahmed ben Mohamed Bilou, de la tribu des Ahl Azzi, rivalisait d’avances et de témoignages de loyalisme vis avis des Français avec Si Mouley Omar ben Mouley Louatik, Caïd d’Akablé qui, en relation avec les Touareg, nous renseignait sur leurs dispositions. L’émulation des deux chefs à nous servir avait provoqué entre eux une rivalité sourde ; il s’agissait pour nous de ne point l’exaspérer : une haine jalouse eût pu, à notre dam, les précipiter l’un contre l’autre. Omar ben Mouley