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de l’audace, au cours de reconnaissances comme celle sur Taodenni en 1906, et d’une témérité qu’il a fini par payer de sa vie. Grâce à lui, « l’esprit d’entreprise dans la conception, d’énergie dans l’exécution, de ténacité et d’endurance dans les mauvais moments, assurèrent bientôt aux Sahariens une supériorité, un prestige absolus dans tout le Sahara et jusqu’aux portes du Soudan. »


LES PREMIERS ESSAIS DE PÉNÉTRATION

Il n’apparait point nécessaire de relater les faits et gestes, les incessantes randonnées poussées souvent à plus de mille kilomètres, les prouesses hardies des compagnies sahariennes pendant la période qui s’étend du 6 juillet 1901 au 8 novembre 1910, date à laquelle le commandant Laperrine, devenu successivement lieutenant-colonel en décembre 1904 et colonel trois ans après, dans le poste où s’affirmait de jour en jour sa maîtrise, fut désigné pour commander le 18e régiment de chasseurs à cheval à Lunéville. Il suffit de noter que, même après son départ pour la France, c’est son esprit qui présida à la pacification du Sahara parce que c’est vraiment lui seul qui « avait posé les principes qui font école en matière de police et de conquête saharienne. »

Au reste, pour appliquer ses principes, il avait tenu à avoir les mains libres. Le 4 novembre 1903, il avait demandé l’organisation des oasis en commune indigène ; et un arrêté du gouverneur général de l’Algérie en date du 1er janvier 1904 avait accordé cette franchise qui fut transformée en autonomie administrative par un décret du 10 avril 1907.

C’est parce qu’il s’est penché vers les indigènes qu’il a pu mener son œuvre à bien. Il tenait plus à les séduire qu’à les écraser ; il savait qu’avec eux, jamais un écrasement n’est définitif : il connaissait à fond leurs âmes ; il s’était appliqué à pénétrer ces visages solennels, graves, impassibles et à y dissiper les brumes ; s’il avait relevé dans leur caractère les aptitudes aux contradictions les plus étranges, il n’en voulait retenir qu’un trait, la tendance sympathique ; c’est cette sympathie qu’il éveillerait, qu’il rassurerait, qu’il conquerrait, qu’il fixerait, pour qu’elle cessât d’être mobile comme la dune mouvante du désert saharien que le vent insensiblement déplace. À ces