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leur esprit d’abnégation et de sacrifice, les ont mis hors de pair. Les compagnies sahariennes étaient commandées par un capitaine, les groupes par un lieutenant ; ces officiers, qui devaient être des chefs militaires, devaient témoigner aussi des qualités d’un administrateur ; le capitaine, en même temps chef d’annexé, répondait de la bonne marche des services de ravitaillement et de comptabilité. Un nombre infime de ces officiers ne s’est pas montré supérieur à leur tâche.

Pourtant, la tâche était rude. Il est aisé d’en juger par celle qui fut attribuée, entre 1902 et 1916, à la compagnie saharienne du Tidikelt, « élément-type des troupes sahariennes ; » avec un effectif, arrêté en octobre 1902, de six officiers, trente-six hommes de troupe français et deux cent quatre-vingts hommes de troupe indigènes, elle dut assurer la police d’un territoire immense. La portion centrale était concentrée à In-Salah. Le reste du contingent était réparti en trois groupes autonomes ; un groupe rayonnait aux abords immédiats d’In-Salah ; c’était le groupe du Bas-Touat ou d’Aoulef ; son action s’étendait vers le Sud-Ouest en liaison avec la Compagnie du Touat Gourara ; un deuxième groupe surveillait le Fort Motylinski, la région montagneuse du Hoggar et assurait la liaison avec les tirailleurs soudanais ; il descendit plus tard, à mesure que la conquête s’élargissait en tache d’huile, jusqu’à Tombouctou, Agadès et Kidal ; un troisième groupe de Fort-Polignac, dans la région Azger, assurait la police d’un vaste territoire, tendait la nïain au Sud au groupe du Hoggar, protégeait à l’Est la frontière, remontait au Nord jusqu’au Sud tunisien, enfin, vers l’Ouest, conjuguait son action avec celle de la compagnie d’Ouargla, lorsqu’elle fut créée, c’est-à-dire, seulement le 5 septembre 1914. Certes, à mesure que le cercle s’agrandissait, augmentaient quelque peu les effectifs ; un décret du 14 janvier 1908 porte le nombre des hommes à quatre cents, dont quarante-quatre Français. Mais, qui ne sent que pareille tâche eût été impossible si le commandant Laperrine n’avait su imaginer les facteurs très simples, sans doute, mais extraordinairement efficaces, à la fois matériels et moraux, qui ont été les agents d’un succès décisif ? Il n’a point suffi de les trouver ; il a fallu les employer ; ne faut-il pas ajouter : il a fallu les faire accepter ? Il a été l’initiateur ; il a été aussi l’animateur, car il a toujours payé de sa personne ; il a donné l’exemple de l’endurance,