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accroître leurs qualités natives par un mouvement incessant de reconnaissances à longue portée qui duraient couramment de six à huit mois et remplissaient parfois une année.

Ces quelques centaines d’hommes, disciplinés, cohérents, prêts à accomplir tout ce qu’on voudrait exiger d’eux, il fallait les encadrer fortement, leur donner des chefs éprouvés et en qui ils pussent avoir une absolue confiance. Le commandant Laperrine fît appel à des volontaires gradés des corps stationnés dans le Tell, âgés de vingt et un ans au moins, et comptant dix-huit mois de service. Dur sacrifice : ils devaient rendre leurs galons. Et pourtant, les volontaires abondèrent ; le choix parmi eux fut facile et particulièrement heureux, puisque l’on y trouva très rarement de fortes têtes. C’étaient sans doute des jeunes gens avides d’action et de risques, car les avantages matériels et pécuniaires qu’on leur offrait étaient faibles « en comparaison de l’exil consenti par eux pendant six années au moins. » Au bout de ces six années, ils devaient avoir obtenu le grade de sergent ou de maréchal des logis et avoir réussi à être proposés deux fois pour le grade d’adjudant ; ce dernier grade leur était alors conféré dans un corps de leur ancienne arme stationné en France ou dans le Tell.

Ces simples soldats, ces brigadiers, ces sous-officiers, une quarantaine environ par compagnie, à l’école du commandant Laperrine, à l’école des officiers qui s’inspiraient fidèlement de ses principes directeurs, devinrent très rapidement des modèles d’endurance ; bien mieux, des modèles d’initiative. N’est-ce point là la qualité que le commandant Laperrine prisait par-dessus toutes ? Ecoutons-le : « De l’activité, beaucoup d’activité et d’initiative. J’aime mieux un chef qui se trompe qu’un paresseux ou un timoré qui ne commet jamais de fautes parce qu’il attend des instructions et n’ose rien... » Que de fois, un simple brigadier, chef de patrouille, s’est trouvé acculé à des situations où sa troupe et lui-même coururent un mortel danger, et où il a su prendre des décisions, combiner des ordres et des mesures devant lesquels eût hésité et pâli un officier supérieur, ankylosé dans le nirvana du temps de paix !

Est-il besoin d’apprécier les officiers qui surent commander à de tels éléments ? Leur ardeur à endosser de lourdes responsabilités, leur sûreté de vues, leur allant, leur audace faite de sang-froid et d’aptitude à juger les événements et les hommes,