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restait au repos dans un pâturage où toutes les deuxièmes montures d’un groupe se trouvaient réunies sous la garde d’un détachement. De cette façon, les animaux, vivant des plantes du pays, ne coûtaient presque rien ; de plus, l’alternance des montures permettait d’avoir toujours l’effectif complet, prêt à toute éventualité. Quant au méhari en état de mobilisation, si l’on peut dire, il servait à transporter vivres, bagages personnels, provision d’eau, et le méhariste lui-même, qui devait penser à tout et ne compter que sur ses propres ressources. « Pour l’eau comme pour tout le reste, c’était chacun pour soi. » Mais, ainsi munie et formée, la compagnie était vite sur le pied de guerre ; sa mobilité était extrême ; elle pouvait battre perpétuellement le pays et y traquer les pillards ; au besoin, elle allait harceler l’ennemi sur son propre territoire et briser dans l’œuf ses tentatives de rezzous.

Etait-il besoin pour amener la compagnie à ce degré d’entraînement d’une longue instruction ? Non, pourvu que cette instruction fût celle qui convenait. « Les hommes recevaient une instruction très sommaire. » A aucun moment, on ne cultiva le « défilé, » gloire des instructeurs militaires ; et peut-être ne serait-il point audacieux d’affirmer que les Sahariens ne savaient point marcher au pas. L’instruction se réduisit à la connaissance de l’arme attribuée à chaque homme, un mousqueton 1892 avec sabre-baïonnette, au tir, et à quelques mouvements rudimentaires exécutés par groupes de dix à vingt hommes. On la compléta en apprenant aux soldats les procédés les plus efficaces pour venir à bout des diverses peuplades auxquelles ils auraient à se heurter, et dont chacune pratiquait le combat à sa façon. « Le commandant Laperrine les avait à peu près toutes vues, tant dans sa vie soudanaise que dans sa vie saharienne. »

Ce qu’il importait surtout de développer chez le Saharien, c’était l’aptitude à la marche, de façon à ce qu’il acquît une résistance pour ainsi dire indéfinie. « On peut presque dire que la victoire est à celui qui marche le plus longtemps, et la définition est à peine exagérée qui appelle un méhariste : « un homme à pied qui tire un chameau par la figure. » Le commandant Laperrine, particulièrement instruit des gens et des choses du Sahara, et qui avait le plus souvent recruté ses méharistes dans la tribu des Chaambas d’Ouargla, sut développer et